Coup de coeur mensuel
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Coup de coeurGRAND CENTRAL

Rebecca Zlotowski

Tahar Rahim, Léa Seydoux, Denis Ménoche, Olivier Gourmet

94 min.
28 août 2013
GRAND CENTRAL

Grand Central , c’est de prime abord l’histoire, somme toute banale, d’une liaison adultère entre Gary (Tahar Rahim) et Karole (Léa Seydoux) aux pieds d’une centrale nucléaire. Ce film, sélectionné au dernier Festival de Cannes dans la catégorie « Un Certain Regard » et Grand Prix du Festival du Film de Cabourg 2013, demeure très classique dans sa mise en scène. Cependant ce classicisme de bon aloi renforce, par sa simplicité, la prestation d’acteurs insolents d’authenticité(*). La sobriété de la réalisation sert également à merveille le décor du film (la centrale nucléaire) qui, dans une grande mesure, constitue le personnage central du drame qui va se jouer. On notera la césure frappante entre l’univers clos, aseptisé et hautement sécurisé de la centrale et le paysage bucolique, empreint de légèreté, qui la ceint. Dehors, on en oublierait presque sa dangerosité si sa sirène ne se mettait pas hurler de temps à autre. 

À bien des égards, ce film mérite que l’on s’y attarde car il rappelle à nos consciences, trop souvent automatisées par la facilité de notre technologie, que derrière un interrupteur que l’on actionne en moins d’une seconde, il y a des hommes et des femmes qui, quotidiennement, mettent en danger leur intégrité physique, voire leur vie. En ne cédant jamais à la facilité d’un discours vainement moralisateur à l’encontre d’une société énergivore, Rebecca Zlotowski(**), la réalisatrice, a l’intelligence de rendre un hommage éclairant à ces êtres de l’ombre qui ont l’humble fierté « d’apporter de l’électricité aux gens ». 

Enfin, au-delà du drame potentiel qui se joue vingt-quatre heures sur vingt-quatre au sein d’une centrale nucléaire, Grand Central offre une magnifique métaphore sur le désir et le désir interdit en particulier. Franchir la ligne du désir adultère c’est comme s’approcher de trop près du cœur d’un réacteur nucléaire, pôle de tous les dangers. Y céder c’est s’exposer à tous les risques d’un « react-cœur », le plus grand d’entre tous étant d’être contaminé par la maladie d’amour.  

Un film dont le sujet contemporain (les drames de Tchernobyl et plus récemment de Fukushima sont malheureusement là pour en attester) ne peut laisser indifférent. En allant voir Grand Central , il y a fort à parier que vous poserez un nouveau regard sur l’indécence que peut représenter le fait de laisser griller une ampoule électrique pour rien. 

(Christie Huysmans)

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(*) Le quatuor d’acteurs défendant ce film est exceptionnel. Olivier Gourmet, talent incontestable, dont le panégyrique n’est plus à faire, mène superbement au diapason le triangle amoureux qu’incarnent Tahar Rahim ( Un Prophète , Le Passé ), Léa Seydoux (Palme d’Or au Festival de Cannes 2013 avec La Vie d’Adèle , Chapitre 1 et 2 ) et Denis Ménochet ( Inglorious Basterds ). Les rôles secondaires ne sont pas non plus en reste et on notera notamment au passage la très jolie et émouvante prestation de Camille Lellouche. 
(**) Rebecca Zlotowski a déjà réalisé Belle Épine , film dans lequel Léa Seydoux était déjà présente.