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Fragile

Emma Benestan

Yasin Houicha, Oulaya Amamra, Raphaël Quenard

120 min.
13 juillet 2022
Fragile

En réalisant "Fragile" , la réalisatrice, Emma Benestan, dit avoir voulu réaliser « Dirty dancing à l’algérienne », montrer des filles libres avec elles-mêmes et des garçons fragiles et empêtrés dans leurs contradictions.
Le cadre : Sète, la « Venise du Languedoc » avec ses canaux, ses belles villas de la ville haute où se tournent les séries TV, ses parcs ostréicoles, ses couchers de soleil romantiques sur le port et l’étang de Thau, ses plages, bref la Méditerranée dans toute sa douceur ; C’est sur ce fond où elle a elle même grandi que Emma Benestan emmène le spectateur pour son premier film dans un comédie qui met en scène une bande de jeunes autour du thème des rapports hommes/femmes.
Alors pourquoi « fragile » ? Az (Yasin Houicha ) travaille chez un ostréiculteur. Il est amoureux de Jess ( Tiphaine Daviot), comédienne jouant dans une série policière tournée à Sète. Mais Jess lui annonce qu’elle a besoin d’air et qu’elle voudrait une pause. En fait, la pause s’appelle Giacommo (Guillermo Guiz) acteur sur le tournage. Az, jeune homme sensible et émotif, est effondré malgré les tentatives de ses copains pour le sortir de sa déprime et notamment de Lila ( Oulaya Amamra) pour lui remonter le moral. "Toi t’es un fragile", lui répètent ils.
Et cette phrase résume bien à elle seule le fil conducteur du film : c’est quoi, être un homme ? un homme viril ne devrait pas pleurer, ne devrait pas montrer son émotion ? chez un homme, la sensibilité est-elle une force ou une faiblesse ? « J’avais envie, dit Emma Benestan, de faire une romcom inversée, où tout ce qui d’habitude se passe pour le personnage féminin arrive à un personnage masculin car je trouve que le féminisme actuel doit aussi passer par l’interrogation des représentations masculines, ce qu’on ne fait pas assez je trouve. C’est un vrai combat je pense à mener, et il faut proposer des films où les hommes sont aussi vus autrement ». Prenant modèle sur son père qui « a grandi dans une famille entourée de femmes, c’était le seul homme, et c’est quelqu’un de très romantique et qui pleure facilement. Et j’ai toujours trouvé ça beau et touchant. Loin des clichés habituels, des pères maghrébins violents ou machistes vus dans la majorité des films français, ce que je trouve déplorable ». Emma Benestan dessine ainsi le personnage de Az, entouré de guides féminin , sa grand mère, sa mère, ses sœurs et son amie Lila qui l’accompagneront dans sa reconstruction.
Le film est construit autour d’une succession d’ échanges entre Az et ses amis, avec des dialogues très imagés, pleins de leur humour « local » et de leur vocabulaire de « blédard ». C’est savoureux. Les comédiens sont excellents que ce soit pour les rôles principaux ou les rôles secondaires et le spectateur retrouve avec plaisir Oulaya Amamra.
« Fragile », c’est aussi une musique foisonnante, multiple, fluide et c’est encore des danses entrainantes ; c’est enfin une si belle lumière avec des images d’une grand beauté sur les paysages et les corps. Il en ressort une grande énergie stimulante qui porte le spectateur.
Avec « Fragile » Emma Benestan espère « que les gens le verront et qu’ils auront envie d’être fragile aussi, du moins de l’assumer. Jean Claude Carrière a dit : Oui à la fragilité, parce qu’elle nous rapproche les uns des autres, alors que la force nous éloigne. »
France Soubeyran