Mona Zaki, Nahed El Sebaï, Mahmoud Hemida
Ne vous laissez pas berner ou assoupir par le côté Joan Collins de l’héroïne de ce film qui a les apparences trompeuses d’une série télévisée un peu kitsch, un peu cliché, volontiers colorée et mélo.
Elle a du cran cette jolie animatrice d’un talk show qui, par amour pour un carriériste d’époux - dont l’intelligence ne lui arrive pas à la cheville - accepte de dépolitiser son émission pour en faire une sorte de "prime time people".
Du cran il lui en faudra pour se plonger dans la vraie vie des Cairotes.
Vraie vie bien éloignée de son quotidien cossu de jeune Anne Sinclair inconsciente et enfermée dans sa bulle d’ivoire.
C’est a travers trois émissions, chacune consacrée à un destin de femme, que le réalisateur et son scénariste, Waheed Hamed qui avait adapté en 2006 le roman d’Alaa El-Aswany « L’immeuble Yacoubian » vont dresser un portrait de la société égyptienne et de la place qu’elle réserve à la moitié de sa population.
Celle qui ne porte pas la djellaba ou le costume 3 pièces.
Société qui ne voile pas que les cheveux mais aussi les esprits. Les enfermant dans une châsse de contraintes à la palette étendue. Des nécessités sociales aux obligations religieuses, les raisons sont nombreuses de vivre malheureuses et soumises.
A des hommes qui, prisonniers des règles qu’ils imposent à leurs compagnes, ne sortent pas grandis des inégalités méprisantes qu’ils ont initiées.
« Femmes du Caire » déroute ( un esprit occidental ?) par ses excès tragiques, sa flamboyance de film de studio, ses intentions lourdement pédago-démonstratives, la place insolite qu’il réserve aux relations sexuelles autant valorisées que rejetées et en même temps séduit par sa façon simple et frontale de donner à ses histoires un côté "shéhérazadien" et populaire.
Teinté d’un humour léger qui acidifie le témoignage à charge d’une société dont la misogynie s’accompagne de violence physique, mentale et affective.
En 2010, lorsque le film est sorti, on était loin de se douter qu’un an après la place Tahir serait le centre d’une révolution dite du Papyrus qui réclamerait le départ du Président Hosni Moubarak dont la photo entraperçue plusieurs fois dans « Femmes du Caire » est là comme emblème d’une réalité - la liberté en Egypte n’existe que sous étroit contrôle gouvernemental.
Est-il dès lors, en raison de ces conditions de proximité temporelle, téméraire de voir en « Femmes du Caire », un film essentiellement dénonciateur.
Voir de le qualifier de film prémonitoire ? (mca)