Chronique musicale
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FADOS

Carlos Saura (Espagne 2007 - distributeur : ABC distribution)
93 min.
27 février 2008
FADOS

Avec le même allant que celui de Martin Scorsese lorsqu’il s’est intéressé au blues dans une série de documentaires (*) consacrés à son histoire, à ses grandes figures et à ses multiples formes, Carlos Saura poursuit avec « Fados » le voyage initié, après « Flamenco » et « Tango » au sein des musiques ibériques.

A travers ce genre musical composé d’une chanson accompagnée traditionnellement par des instruments à cordes pincées, Carlos Saura s’attache à saisir deux âmes.

Celle du fado lui-même dont l’étymologie prend ici tout son sens de destin, « Fatum » en Latin.

Et celle d’une civilisation portugaise étreinte par une mélancolie qui remonte autant au souvenir de sa grandeur passée qu’au mal-être de ses immigrés débarqués au début du XIXème siècle du Brésil ou d’Afrique.

Mises en notes et en paroles d’un sentiment poignant de tristesse empreinte de nostalgie, la saudade dont, selon le poète Fernado Pessoa, le fado est la poésie, ce film est riche de moments forts qui mêlent amoureusement musique, danse, théâtre.

Non seulement le réalisateur connaît bien son sujet mais il a envie de le faire vibrer pour en souligner la beauté, la puissance et l’actualité.

Comme Mika Kaurismaki l’a fait pour le « choro », cette musique afro-brésilo-indienne dans son film « Brasileirinho », Carlos Saura nous fait (re) découvrir toute la contemporanéité d’une ossature musicale que bien des musiciens, conscients de l’héritage des aînés, adaptent à leur style.

Rock pour Rui Veloso, rap avec NBC/SP & Wilson, contestataire avec Zeca Afonso, le pourfendeur du régime de Salazar, classique avec Argentina Santos, moderne avec Cristina Branco et insulaire avec Cesaria Evora.

Si « Fados » est une approche chaleureuse d’un chant, plaintif souvent douloureux toujours, il est aussi un regard questionneur posé par un cinéaste, devenu philosophe ( ?) avec l’âge, qui se demande, par l’intermédiaire d’un plein champ final sur une caméra, quel est le pouvoir de celle-ci ?

De révéler les spectateurs à eux-mêmes ? A cette part d’humanité que Michel Berger appelle de Tennessee et Amalia Rodriguez, la plus célèbre des fadistas (chanteuse de fado), « épine amère et douce » faite de difficulté de vivre, d’amours incomplètes et d’exil ?

Le CD audio « Fados » de Carlo Saura est disponible sur www.amazon.com (m.c.a)

(*) qui ont été projetés à Flagey en été et automne 2004. Ils sont au nombre de sept et signés par de grands cinéastes parmi lesquels Wim Wenders « The soul of a man », Clint Eastwood« Piano blues », Mike Figgis « Red, white & blues » et Martin Scorsese lui-même « Feel like going home »