Drame burlesque
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EL BANO DEL PAPA

Enrique Fernandes et César Charlone (Uruguay 2007 - distributeur : ABC )

César Troncoso, Virginia Méndez, Virginia Ruiz

79 min.
12 mars 2008
EL BANO DEL PAPA

On oublie souvent de rendre au festival des "3 Continents" de Nantes (*) l’hommage qu’il mérite. Sans lui pourtant, le cinéma sud américain, sauf s’il est argentin ou brésilien, serait mal connu.

En 2002 il a consacré à l’Uruguay un long moment de réflexion menée par Manuel Martinez Carril - journaliste et directeur de la cinémathèque de Montevideo.

Qui, après avoir reconnu l’absence d’industrie cinématographique dans son pays et pronostiqué qu’il n’y en aurait pas sans doute avant longtemps, a néanmoins constaté que cette absence de ressources propres n’empêchait pas les auteurs-réalisateurs de s’exprimer, avec originalité, par le biais de coproductions internationales.

Avec originalité et bonheur lorsqu’on se souvient des films « Whisky » (**) de Pablo Stoll et Juan Pablo Rebella (***) ou « El Ultimo Tren » (****) de Diego Arsuaga.

« Whisky » a remporté lors du Festival de Cannes 2004 le Prix, amplement mérité, du Regard Original. Et si « El bano del papa » a été présenté au même festival en 2007 et ne s’est vu attribué aucune récompense, il ne faut surtout pas en tirer la conséquence qu’il est moins intéressant que son illustre aîné.

En effet il y a dans cet « El bano… » une ambitieuse quête narrative visant à mêler intérêt pour des personnages humbles et regard qui, tout en gardant hors champ la critique politique, embrasse, à la façon d’un De Sica, les rudes conditions sociales dans lesquelles se débattent les habitants d’une petite ville défavorisée.

Beto habite à Melo. Chaque jour, il parcourt à vélo les 60 kilomètres qui séparent sa bourgade de la frontière brésilienne, pour y faire commerce de contrebande. Un jour, il apprend que Jean-Paul II, en visite dans la région, compte faire une halte dans sa cité.

Pourquoi ne pas accueillir les milliers de pèlerins attendus avec des latrines neuves qui apporteront confort aux visiteurs et revenus au concepteur de la « feuillée papale » ?

Cette trame scénaristique, les réalisateurs vont la tisser aux couleurs de l’empathie, de la débrouillardise et de la générosité et la coudre aux aiguilles de la satire et du pathétique des échecs annoncés.

Vladimir et Estragon, dans la pièce de Beckett, attendent « Godot ». Beto et ses amis attendent son représentant sur terre, le pape.

Entre ces deux approches qui tournent autour de la même espérance, celle d’un sort meilleur, il y a plus d’une ressemblance. Retenons celle de l’amertume qui ramène, après les rêves à la Perrette et le pot au lait de la Fontaine, la tragicomédie de l’existence humaine à sa dimension d’inaccessible chimère.

Les acteurs qu’ils soient professionnels ou pas sont épatants. Ils apportent au cinéma ce qui fait son prix : l’envie projetée par les spectateurs sur des personnages fictifs de les voir réussir leur coup.

Si Beto dégage une irrépressible sympathie, parfois teintée il est vrai d’un léger agacement, c’est parce qu’il est comme Don Quichotte en lutte. Non pas contre des moulins à vents, mais contre des lieux d’aisance.

Une interview des deux réalisateurs, dont l’un est natif de Mélo (un endroit qui aurait fait frémir de flamboyant enthousiasme Douglas Sirk), est proposée dans l’hebomadaire bruxellois gratuit "Cinéma" de ce 12 mars 2008. (m.c.a)

(*) ( www.3continents.com/cinema/infos_diverses/uruguay.html )

(**) Coproduction Argentine/Espagne/Allemage/Uruguay.
(***) Qui s’est suicidé le 6 juillet 2006
(****) Coproduction Argentine/Espagne/Uruguay