C’est du Belge
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DODE HOEK

Nabil Ben Yadir

David Murgia, Jan Decleir, Peter Van den Begin, Ruth Becquart, Bert Haelvoet, Mathijs Scheepers Jurgen Delnaet

100 min.
25 janvier 2017
DODE HOEK

Quatre ans après y avoir présenté « La Marche », Nabil Ben Yadir a ouvert le Tournai Ramdam Festival ce 16 janvier 2017 avec son film « Dode Hoek », projeté en avant-première mondiale. L’évènement fut un véritable succès puisque quatre salles du cinéma Imagix ont été nécessaires pour accueillir l’ensemble des festivaliers.

« Dode Hoek » raconte l’histoire de Jan Verbeeck, commissaire de la brigade des stups à Anvers, qui s’apprête à annoncer sa démission pour rejoindre les rangs d’un parti d’extrême droite, le VPV. Sa dernière mission au sein de la police va le conduire à Charleroi au sein d’un labo clandestin. Mais une série d’évènements imprévisibles et incontrôlables vont se produire. Il sera alors confronté à son passé et obligé de prendre des décisions sans réfléchir alors qu’il est dans un tournant crucial concernant son avenir professionnel.

Tourné en Flandres, à Bruxelles et en Wallonie, Nabil Ben Yadir revendique « Dode Hoek » comme un pur film belge. Il s’est d’ailleurs arrangé pour qu’il soit doublé en français sous le titre « Angle mort » afin d’assurer au film la plus large distribution possible en Belgique et ailleurs. Toutefois, nous ne pouvons que vous encourager à le voir dans sa version originale sous-titrée en français afin de ne rien perdre du caractère imposant du personnage principal, Jan Verbeeck, une sorte d’anti-héros auquel le spectateur n’a pas vraiment envie de s’attacher. Mais au fur et à mesure du film, il y découvre un personnage ambivalent, qui fait des choix auxquels il ne s’attend pas et c’est cela qui va le rendre intéressant. Il est incarné par Peter Van Den Begin (« King of the Belgians »).

Un autre personnage tout aussi intéressant va évoluer à ses côtés, il s’agit de Dries Benaïssa, interprété par Soufiane Chilah (« Home », « Black »). Dans le récit, il est une sorte de faire-valoir de Jan Verbeeck. Ce dernier prétend n’être pas raciste puisqu’il travaille avec Dries qui a des origines marocaines. Pour sa part, Dries considère Jan comme un père jusqu’au jour où celui-ci lui tournera le dos. Il sera alors complètement perdu car suite à ses choix dans le passé, les gens de son quartier ne l’acceptent plus, il n’y a plus de retour possible et il se retrouve dans une impasse.

Pour le reste du casting, on retrouve David Murgia (« Les Premiers, les Derniers », « Rundskop »), ou encore Jan Decleir (« Les Barons », « Sœur Sourire », « Loft », « Daens »). C’est donc dans un univers très masculin que s’inscrit cette histoire. Les personnages féminins, dont l’un n’existe qu’à travers une photographie, sont très rares. La seule qui a de l’importance est jouée par Ruth Becquart (« Wat mannen willen »). Néanmoins, c’est un personnage fort qui veut réimposer des règles au sein du commissariat, alors que son prédécesseur avait justement tendance à sortir des limites.

En conclusion, Nabil Ben Yadir nous offre un vrai moment de cinéma. Il ne relâche jamais le rythme, on est dans une tension constante jusqu’à la fin. La musique et le travail sur le son participent également à intensifier ce ressenti. Et derrière cette facette de film de genre, « Dode Hoek » engage le spectateur à réfléchir à un ensemble de problématiques et de questions sous-jacentes au récit. Car au-delà de l’histoire de cet individu qui est rattrapé par son passé, il y a ce que le personnage de Jan Decleir, qui interprète un politicien du parti d’extrême droite, va faire de l’histoire de cet homme. Il va la changer et la mettre au service du parti pour faire passer une loi. C’est aussi là que le titre du film prend en quelque sorte toute sa signification. « Dode Hoek » ou « Angle mort », c’est tout ce qui est devant nous et que nous refusons de voir. Si l’on transpose cette interprétation ainsi que la fin du film dans notre actualité, c’est tout ce que l’on refuse de voir derrière les discours populistes, de haine, etc. Comme le soulignait le réalisateur lors du Ramdam Festival, aujourd’hui il n’y a plus de place pour la réflexion car tout va très vite. Dès qu’une information survient, elle est tuée par une autre qui arrive tout aussi vite, et ainsi de suite. Il est donc important de laisser de la place à la réflexion, et ce film, tout en étant un moment de divertissement, est également matière à réfléchir sur ce qu’il se passe aujourd’hui, le cinéma restant le miroir de notre société.

(Nathalie De Man)