Adaptation d’un livre
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DIALOGUE AVEC MON JARDINIER (d’après Henri Cueco)

Jean Becker (France 2007 - distributeur : Cinéart)

Jean-Pierre Darroussin, Daniel Auteuil, Hiam Abbass, Fanny Cottençon

110 min.
8 août 2007
DIALOGUE AVEC MON JARDINIER (d'après Henri Cueco)

Le jardinier est au cinéma (et à la littérature) ce que la sauge est à l’herboristerie. Un polychreste ou encore un référent à l’efficacité multiple.

Tantôt remède contre les turbulences du monde (*), la monotonie du travail (**), le manque d’affection (***) ou de sensualité (****), il est devenu une sorte d’emblème de la vie simple et du bon sens, ces obligés « Sésame » aux plaisirs de la vie qu’Alain Shifres appelle « menus » (*****).

Néanmoins, il y a un état qui échappe à sa toute puissance décrétée : l’ennui. La preuve en est ce film dont la ruralité n’excuse pas la banalité. Banalité des dialogues et des situations exploitées au-delà de la trame, enfilade de lieux communs encore affadie par une mise en scène pâteuse et paresseuse et humour de potache écrabouillent ce qui, au départ, se révélait sympathique : une retrouvaille de deux quinquagénaires, anciens copains d’école.

Daniel Auteuil, dit Dupinceau, revient dans la maison de son enfance pour faire le point sur une vie conjugale et artistique en crise. Il retrouve son ami d’antan, surnommé Dujardin qui aime, en plantant des salades, poser sur le monde un regard empreint de sagesse diront les enthousiastes, de truismes diront les moins emballés par cette canzonnette dédiée aux valeurs démagogiques et ringardes censées rassurer (peut-être) ceux que la modernité et son cortège d’angoissantes nécessités adaptatives effraient.

On connaît l’intérêt affectueux de Jean Becker pour les gens simples qu’il aime opposer à des gens plus tourmentés (Isabelle Adjani dans « L’été meurtrier »), plus cultivés (André Dussolier dans « Les enfants du marais »), plus socialement installés (Daniel Auteuil dans ce « Dialogue… »). Afin de tirer de cette confrontation le constat que la vie aux champs est plus authentique que la vie en ville.

Mais simplicité ne rime pas toujours avec subtilité. Les dissonances entre les personnages, taillées à la serpe, sentent trop « leur cinéma » pour être crédibles.

Et quand le spectateur se rend compte que le scénario n’échappera pas à la maladie incurable-mais-vécue-dignement par l’un des protagonistes, il se sent floué et furieux d’avoir été entraîné dans cette histoire qui appuie sans retenue (sans pudeur ?) sur les émotions et les sentiments.

Jean-Pierre Darroussin, acteur sensible aux clairvoyances d’un Emmanuel Bove qu’il a adapté pour le grand écran (« Le pressentiment »), étonne dans le rôle d’un Dujardin trop lisse, trop bucolique. Même quand on est un excellent comédien et que l’on porte avec beaucoup de conviction casquette et bleu de travail, jouer un cliché sent son convenu.

Daniel Auteuil, reconverti en demandeur de sapience populaire, semble à côté de ses ... pinceaux. Lui dont le talent demande à être nourri de tensions, de contradictions et d’impasses psychologiques ("Caché" de Michael Haneke, "L’adversaire" de Nicole Garcia) paraît dérisoirement étriqué par le fabriqué-formaté de son personnage.

Aux regrets de ne trouver à ce « Dialogue » que peu d’allant et de sincérité, s’ajoute celui de la modestie de l’apparition de Hiam Abbas, cette splendide actrice palestienne, dont on a toujours plaisir à retrouver la gravité mélancolique.

Signalons pour ceux qui seraient intéressés par les peintures sur lesquelles travaille Dupinceau, qu’elles sont d’Olivier Suire Verley et visibles sur le site www.suire-verley.com.

Signalons enfin pour ceux que les poncifs dépriment plus qu’ils ne réconfortent que l’antidote existe. Il a pour nom Marc-Aurèle et ses « Soliloques » et plus particulièrement le livre IV. Michel Onfray et son « Désir d’être un volcan » est lui aussi agissant. (m.c.a)

(*) « Candide » de Pierre Cardinal, « Bienvenue Mr.Chance » d’Hal Hashby
(**) « The constant garderner » de Fernando Mereilles
(***) « The spanish gardener » de Philip Leacock
(****) « Lady Chaterley et l’homme des bois » de Pascal Ferran
(*****) « Dictionnaire amoureux des menus plaisirs » aux éd. Plon