Ecran total 2011
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Coup de coeurDES JOURS ET DES NUITS DANS LA FORET

Satyajit Ray (Inde 1970)

Soumitra Chatterjee, Sharmila Tagore, Kaberi Bose, Simi Garewal

115 min.
13 juillet 2011
DES JOURS ET DES NUITS DANS LA FORET

La modernité et le vieux maître.

Ce n’est pas parce que tout ou presque a été dit et écrit sur les films de Satyajit Ray que le débat est clos sur l’œuvre de cet immense cinéaste pour lequel l’écriture scénaristique ne fait qu’un avec sa mise en scène.

Rappelant avec la discrétion qui le caractérise que, comme chez Victor Hugo avec lequel il partage à maints égards la plupart des valeurs humanistes, « la forme n’est que le fond qui remonte ».

Dans « Des jours & des nuits… », magnifique titre qui évoque à la fois la lenteur durassienne, la sensualité du cinéma de Renoir (*) et l’élégance de Rohmer, 4 amis décident de prendre quelques jours de vacances, loin de leur cadre de vie habituelle.

Ils quittent Calcutta et se retrouvent dans les forêts de Palamau. Une région sauvage dans laquelle ils rencontrent des gens de cru qui ont gardé avec la Nature un lien de force et d’innocence.

Un lien perdu depuis longtemps par nos citadins requis par leurs ambitions professionnelles et financières.

Un lien avec lequel ils vont renouer. Retrouvant ainsi une simplicité scandée par une joie, un désir de vivre et d’aimer qui les avait quittés depuis longtemps.

Ce qui touche dans cette histoire c’est non seulement la reconnaissance du besoin de se reconnecter à ce que l’on est et non à ce que les exigences sociales ont fait de nous, mais aussi le questionnement auquel le film invite plus de 40 ans après sa réalisation.

Tant d’événements économiques et sociaux ont secoué l’Inde depuis 1969. Tant d’évènements qui ont fait de ce pays qui à l’époque pouvait encore se payer le luxe d’être dolent, une nation émergente dans laquelle la classe moyenne hésite de moins en moins à sacrifier ses traditions au crédo d’une course au progrès et au bien-être matériel.

« Des jours … » était considéré par son réalisateur comme une étude révélatrice de la bourgeoisie active des années 1960. Aujourd’hui il apparaît comme un précieux témoignage d’un temps où le passage entre la ville et la campagne ou l’inverse (**) était synonyme de recherche ou de perte d’harmonie et d’unité - Sadhana restait une pratique qui n’avait pas encore été récupérée par un new age aussi normé que rentabilisé.

Cette quête est-elle encore d’actualité dans ce pays que beaucoup voient concourir avec la Chine pour, à l’aube des années 2020, le titre de plus grande puissance du Monde ?

Quoi qu’il en soit, l’œuvre de Ray a le mérite d’exister. Elle est à notre disposition durant quelques jours à l’Ecran Total.

Un temps largement suffisant pour mieux comprendre Kurosawa lorsqu’il disait que ne pas avoir vu de film de Ray revenait à exister sans jamais avoir regardé le Soleil ou la Lune. (mca)

(*) dont le cinéaste fut un des assistants sur « Le fleuve »
(**) thématique essentielle du cinéaste « La trilogie Apu », « La maison et le monde », « Charulata » ...