Sweet & sour
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DELIRIOUS

Tom DiCillio (USA 2007 - distributeur : Victory Films)

Steve Buscemi, Michael Pitt, Alison Lohman

107 min.
21 mai 2008
DELIRIOUS

« Delirious » ou comment passer du délire du paparazzo appendu aux faits et gestes de la star du moment, à celui du SDF qui rêve de devenir acteur pour buter sur les minauderies et caprices d’une chanteuse à succès ?

Avec en levier-atout des acteurs au registre très différent mais tous épatants, Tom DiCillo (« Living in oblivion ») réussit à donner à une histoire en apparence aimable un souffle décapant.

Qui, sans être nécessairement satirique, n’épargne ni les directrices de casting croqueuses de jeunes comédiens, ni la galère des photographes écrasés par l’ombre des vedettes qu’ils traquent, ni l’importance du Dieu Hasard dans la découverte des futurs talents, ni la nunucherie mêlée de vanité des artistes qui ont trop vite gagné leurs (immérités) galons de vedette.

C’est avec une déconcertante gentillesse que le réalisateur plante ses crocs dans une démolition en règle des séries télévisées ou dans l’artificialité de l’existence à paillettes de ceux à qui le public délègue le pouvoir de le faire rêver.

Gentillesse mais pas naïveté. DiCillio sait que chacun, dans la course au succès et à la reconnaissance, peut perdre des lambeaux (ou des pans) de son identité.

Il le rappelle avec ce qui fait depuis toujours sa marque de fabrique : une distante et distendue douceur qui souligne les hypocrisies, artifices, et crocs-en-jambes cachés derrière un paravent de convivialité.

Steve Buscemi, égal à lui-même, agace, séduit et émeut. Michael Pitt (*) n’est pas que d’une renversante beauté. Il apporte à son personnage une grâce, faite de réelle attention à l’autre, qui déconcerte dans ce monde dont le côté Swarovski n’est qu’un éphémère cache-médiocrité.

Quant à Alison Lohman (en sosie voulu de Christina Aguilera ?) elle est ce que l’on attend - et qui n’est pas nécessairement facile à donner - : une gourde au grand cœur.

DiCillio nous propose une foire aux vanités qui, même si elle a moins de profondeur que celle de Thackeray ou de portée critique que celle de Brian de Palma dans « The bonfire of the vanities » (**), vivifie le statut de loser.

En lui donnant la dimension d‘humanité qui fait défaut aux frimeurs, jetsetteurs, et people new-yorkais mitraillés (canardés ?) pour obtenir, avec ou sans leur consentement, la photo censée rapporter gros.

« Délirious » sûrement. Mais tout aussi sûrement interpellant. (m.c.a)

(*) « Murders by numbers » de Barbet Schroeder, « The dreamers » de Bernardo Bertolucci, « last days » de Gus Van Sant, « Funny games » de Michael Haneke.
(**) Adapté d’un roman de Tom Wolfe paru en livre de poche sous le titre français "Le bûcher des vanités"