Ecran total 2011
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Coup de coeurDEEP END

Jerzy Skolimowski (GB/Allemagne 1970)

Jane Asher, John Moulder-Brown

90 min.
7 septembre 2011
DEEP END

On ne badine pas avec l’amour. Et encore moins avec la frustration.

Mike a 15 ans. Après avoir quitté l’école, il devient garçon de bains dans un établissement du East End londonien. Arrivera-t-il à intégrer les codes par lesquels on devient adulte ? Ces codes par lesquels on quitte un âge troublé, celui de la fin de l’innocence, pour d’autres troubles : compromission, hypocrisie, déloyauté….

La perte de ses illusions aura une forme. Celle séduisante et vénale de Susan - une magnifique Jane Asher qui fut, le temps de quelques étés du Swinging London, la fiancée officielle du Beatle, Paul McCartney.

Passage étroit et douloureux au cours duquel Mike apprendra que dans les jeux du désir il arrive à Eros et Thanatos d’être pathologiquement mêles.

Pour cerner cette déchirure entre une envie d’absolu et son incarnation dans le réel, le cinéaste - comme Polanski pour lequel il a écrit le scénario de « Un couteau dans l’eau » est un ancien de l’école de Lodz - choisit la voie d’une sensibilité exprimée par des couleurs qui bousculent le quotidien (*), un sens du cadrage/décadrage photographique et une attention à sculpter les corps et les visages de ses acteurs.

Au plus près d’un d’un regard à la fois tendu, tendre et ardent.

C’est par une approche juste et crue, un lent et ambigu effeuillage d’une timidité, que le réalisateur témoigne d’un malaise.

Celui du passage hésitant à l’acte sexuel pour la première fois.

Concentré d’émotions fortes, enfermées dans des cages imbriqués les unes aux autres (la piscine, la boîte de nuit, le cinéma) dont la seule sortie hors du paysage urbain fera exploser la morbidité – comme l’air dans un tunnel de mine suscite le coup de grisou – « Deep end » fascine autant qu’il chagrine.

Par sa violence animale et sociale - les êtres humains y sont présentés comme avides de fantasmes à réaliser et de règles à respecter -, son ironie à capter le ridicule des relations entre les personnages, ses gags inattendus, il est à la fois ancré dans son époque, les sixties (**) et ses 2 Eldorados (miroirs-aux-alouettes ?) que sont la liberté sexuelle et l’émancipation de la femme, et universel.

Parce qu’il cerne ce qui fonde le drame des adolescents incapables de s’adapter à la vie telle qu’elle est.

Un mélange de trivialité et de douceur, de poésie et de sordide.

De moche et de beau.

Pour incarner ce très jeune homme à la croisée des âges, un épatant John Moulder-Brown qui prête à ce film brutal et velouté une fragilité et un charme qui laissent dans les mémoires une brûlure.

Presqu’une blessure. (mca)  

(*) Skolimowski, avant de réaliser en 2008 « Quatre nuits avec Anna », a arrêté pendant 17 ans de tourner pour se consacrer à la peinture
(**) très adéquatement illustrée par la musique de Cat Stevens & The Can