Coup de coeur
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Coup de coeurDANS LA VIE

Philippe Faucon (France 2008 - distributeur : CNC)

Zohra Mouffok, Ariane Jacquot, Sabrina Ben Abdallah, Philippe Faucon

73 min.
16 avril 2008
DANS LA VIE

« Dans la vie » n’est peut-être pas un grand film, mais c’est un film qui ne manque pas de grandeur.

Cette grandeur, cousue à petits points, sans recherche d’effets visuels ou scénaristiques et même sans acteurs de renom - les personnages principaux sont inconnus au bataillon du « who’s who » du 7ème art - et qui pourtant touche parce qu’elle permet ce que le cinéma n’autorise pas toujours.

Un accompagnement.

Le rapport entre l’écran et le spectateur est souvent de l’ordre de la projection et plus rarement de l’ordre de l’escorte.

« Dans la vie » ne fonctionne pas sur l’envie de s’identifier aux héroïnes mais sur le désir de les suivre dans leur rencontre. De vouloir savoir si leurs différences trouveront à s’accommoder (*)

Et si oui, comment ? Au prix de quelle renonciation et en échange de quel profit ? 

Esther est juive, Halima arabe. Elles habitent Toulon et n’ont apparemment qu’un point commun la nostalgie de leur ville natale : Oran. Au fil de leur fréquentation d’abord obligée - Esther, handicapée, a besoin d ‘une garde-malade - elles vont se découvrir et découvrir qu’elles partagent un bien précieux.

La capacité d’apprendre la tolérance. L’estime de l’autre dans ses habitudes, croyances et opinions.

« Dans la vie » n’oppose pas les façons d’être de chacune. Il les juxtapose. Le « versus » est remplacé par le « et ».

On n’a plus "Hallal contre kasher" mais "Hallal et kasher", "Kippa versus voile" mais "Kippa et voile"

Le remplacement d’une conjonction d’opposition par une conjonction d’union permet une extrapolation sur laquelle le cinéaste insiste peu, se contentant de la suggérer, à des problèmes plus vastes que l’apprivoisement de deux tempéraments, chacun bien trempé : le conflit israélo-palestinien, le racisme, les réflexes d’exclusion, les relations parfois tendues entre la tradition et la modernité chez les jeunes femmes musulmanes.

Une approche qui n’est pas claironnante et sonnante, mais sensible, discrète, presque humble Qui se fait, patiemment à travers les gestes quotidiens - le hamman, la plage, la préparation d‘un repas, le choix des programmes télévisés …

Méthode de travail dans laquelle on peut reconnaître toute l’intelligente délicatesse d’un metteur en scène qui arrive à évoquer sans contorsions matamoresques les tourments qui assaillent l’être humain.

Tourments d’une époque comme celle de la guerre d’Algérie dans "La trahison" ou d’une période de la vie, l’adolescence dans "Samia".

Plus hirondelle qu’oiseau de proie, le réalisateur Faucon élabore en douceur une réflexion qui place en son centre le respect. De Soi, de ses racines, de ses points de vue.

Et de l’Autre dans ses différences non pas pour dans un esprit de conquête les comprendre ou les assimiler. Mais tout simplement pour les reconnaître telles qu’elles sont. Avec fraternité.

En l’espèce avec une sororité à laquelle revient la phrase-voûte de ce film généreux sans être candide : « Je te respecte si tu me respectes ».

Respect dont la conséquence pourrait avoir pour nom la Paix - mais le réalisateur ne propose pas de solution miracle aux maux du monde - et qu’il se contentera de saisir dans sa possibilité d’entente entre deux êtres humains.

Entente proche d’une amitié qui sera captée, au moment d’une séparation faite de chagrin et de joie, dans le regard que s’échangent, en dernier plan du film, Esther et Halima.

Un regard qui n’a rien de cinématographique. Un regard comme ceux que l’on peut avoir « Dans la vie ». Tendre et tremblant.

Ce film chaleureux a reçu, lors du Festival International d’Amour de Mons 2008, une mention spéciale de la part du Jury CinéFemme. (m.c.a)

(*)Espèce de curiosité bienveillante comme celle éprouvée à l’égard de Zabulon et Isaac. Les deux derniers Juifs de la capitale afghane, capturés dans leur mésentente cordiale par l’œil amusé et attentif de Dan Alexe dans son beau documentaire "Cabale à Kaboul".