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CRIME D’AMOUR

Alain Corneau

Kristin Scott Thomas, Ludivine Sagnier, Patrick Mille

18 août 2010
CRIME D'AMOUR

Quelle étrange prouesse ! Réussir un film parfaitement antipathique. Avec des personnages antipathiques, un scénario antipathique et une mise en scène qui, par une rampante contamination, devient très vite clinique et réfrigérante.

Parce qu’accentuant au scalpel au lieu de les arrondir les faiblesses d’une histoire aussi invraisemblable que rasoir.

2 femmes et un homme travaillent dans une multinationale - comme dans une version assombrie et pessimiste de la "Working girl" de Mike Nichols. L’une est la patronne imbuvable de l’autre. Il est comptable. Véreux bien sûr.

Drame oblige, qui va tuer qui ? On en arrive presque à regretter de ne pas assister à leur disparition rapide et collective ce qui nous aurait éviter 100 minutes de lourds flash back, un pédagogique message sur le fonctionnement de la Justice et des rebondissements dont la prévisibilité n’est même pas sauvée par une (petite) surprise en coda.

Dans les rôles de meneuses du bal, deux actrices d’habitude intéressantes. Kristin Scott Thomas en Cruella du monde des affaires raide, froide, crispée/crispante.

Et Ludivine Sagnier dont on se réjouit que le temps n’arrive pas à effacer le grain de folie dévastateur et ravi de sa première grande prestation dans le film de François Ozon « Gouttes d’eau sur pierres brûlantes ».

Le monde du travail éventaillé par Alain Corneau est des plus (involontairement) rigolos (*). A force de caricatures et représentations exacerbées exclusivement machinées par le cynisme, l’humiliation, le sous-entendu érotique et les manipulations, on en vient à trouver que les harcèlement bien réels ceux-là dont se plaignent tant de travailleurs dans leur vie professionnelle ne sont que des jeux d’enfants.

La mise en images, plus académique qu’inspirée malgré le beau travail du chef opérateur, Yves Angelo, est heureusement éclairée par une bande son jazzy à la puissance envoûtante qui doit beaucoup au saxophoniste Pharoah Sanders.

Aux références dont, avec un à propos un peu mégalo, se réclame Alain Corneau - Hitchcock et surtout le Fritz Lang de « Beyond a reasonable doubt » (*) - on préfère se souvenir que le réalisateur avait su intelligemment capter la cruauté propre à l’ambiance de (certains) bureaux dans " Stupeur et tremblements" adapté, il est vrai, d’un très bon roman d’Amélie Nothomb.

Histoire aussi de vengeance, il manque à ce « Crime .. » ce qui avait fait de « La tourneuse de pages » de Denis Dercourt une partition réussie : un mélange convaincant de retenue et de tension. (mca)

(*) L’histoire d’un journaliste qui s’accuse d’un crime qu’il n’a pas commis pour démontrer les risques de condamner à mort un innocent.