Benoît Peolvoorde, Julie Depardieu, Gilbert Melki, Bouli Lanners
Benoît Poelvoorde est un homme-nénuphar. Quand il joue dans un film sincère un personnage qui l’est aussi, il s’épanouit et devient formidable. Arrivant même à faire oublier des choix hasardeux (*) vraisemblablement dictés par une fébrilité malaisément contrôlable.
Dans « Cowboy » il est à sa place, étroitement ajusté à un rôle de journaliste en pleine crise existentielle.
Daniel Piron, son personnage, propose un reportage à la télévision locale pour laquelle il travaille : retrouver les protagonistes d’une prise d’otages en âge scolaire par un jeune gauchiste en 1980.
En fait, adulte mal dans sa peau de quadragénaire, d’époux et d’homme à tout faire (ridicule inclus) d’une émission consacrée à la conduite sécuritaire, il a le rêve de retrouver le ravisseur dont il partageait, à l’époque, les protestations contre la politique d’inégalité citoyenne de la Belgique.
Benoît Mariage s’est inspiré d’un réel fait-divers - l’affaire Michel Strée - auquel, dans un premier temps, il avait pensé donner la forme d’un documentaire dans l’esprit de ceux réalisés pour le programme très applaudimétré de la RTBF "Strip Tease".
Il a eu la bonne idée de privilégier la voie de la fiction pour mettre en scène, avec finesse et ironie, le côté fabriqué du projet soutenu par Daniel Piron.
Il est toujours intéressant de connaître ce qu’un réalisateur estime être l’axe du cinéma. Cet axe qui permet au film de retenir l’attention, toujours proche d’un départ en vrille, du spectateur.
Pour Mariage, ce pilier de base exprimé par son double Poelvoorde, c’est la nécessité d’un conflit.
Un conflit qui ne sera pas celui des films de « Cowboy » - d’ailleurs à part une référence au grandiose « La chevauchée fantastique » de John Ford, le cowboy chez Mariage est plus proche de la vision mélancolique de Gus Van Sant (**) que de la représentation de sûreté de soi à la John Wayne - mais celui qui oppose l’individu à ses idéaux.
Idéaux de jeunesse que la vie rabote et égotise. Ce que montre avec une transparente fermeté ce film à l’importante dimension sociale en soulignant, notamment par la scène qui schizophrènie le discours généreux de Piron et son refus de donner un sou à l’immigré qui lave ses vitres d’auto, combien le mot solidarité bute, l’âge venant, sur l’embourgeoisement et donc la perte des illusions propres au printemps de la vie.
Dans ces conditions comment retrouver l’estime de soi ? C’est la question que va se poser Piron et qui sera déterminante dans son désir de renouer avec une réalité vécue en dehors des sentiers du factice, de la prétention et de l’arrogance.
Il y a plus d’un aveu dans « Cowboy ». L’aveu d’un cinéaste de son intérêt pour l’homme dans ce qu’il a de simplement humain - à cet égard les prestations des deux acolytes cameraman et preneur de son de Piron sont étonnamment convaincantes.
Et l’aveu à peine voilé de l’acteur Poelvoorde de renouer avec un cinéma qui le sauve de la médiocrité et de l’artifice (m.c.a)
(*) « Le boulet » d’Alain Berbérian, « Les deux mondes » de Daniel Cohen et le (non) attendu « Astérix aux jeux olympiques » de Frédéric Forestier et Thomas Langmann
(**) « Even cowgirls get the blues »