Marthe Keller, Aurore Clément, André Dussolier, Pascal Elbé
A partir de quand de bons acteurs se rendent-ils compte qu’ils sont otages d’un film banal et/ou bancal ?
André Dussolier a perdu 18 kilos pour entrer dans les corps et âme d’un policier atteint de troubles de la mémoire. Visage émacié, silhouette cachectique, regard désorienté, il donne de la maladie d’Alzheimer la représentation de ce qu’elle est : une fragilisation des repères. Ce que n’avait pas pu faire Julie Christie, trop « pomponnée » dans « Away from her » de Sarah Polley ni Jan Decleir, trop fébrile, dans "De Zaak Alzheimer" d’ Erik Van Looy.
Que peut-il espérer comme « retour sur investissement » de cette histoire d’un policier à la retraite qui, à sa demande, intègre une maison de repos spécialisée dans laquelle les pensionnaires ont l’étrange habitude de mourir de façon aussi rapide qu’imprévue ?
Un intéressant rôle de composition dans lequel la partie physique ou plus exactement corporelle - les scènes d’action sont absentes de sa performance - joue un rôle primordial, en miroir inversé à la dislocation grandissante de ses facultés intellectuelles.
Si la ligne de force du scénario est plutôt astucieuse parce qu’elle joue d’un paradoxe - celui que ses collègues avaient surnommé « Cortex » mène une dernière enquête alors qu’il devient amnésique - très vite le film s’enlise dans une suite de recettes cinématographiques indigestes qui enkystent l’imagination du spectateur et lui ôtent l’envie de trouver le coupable et ses mobiles.
En funambule sur ce qui lui reste de fil le reliant au réel, Dussolier sauve la mise d’un film dénué d’envergure, de tension et de rythme en lui insufflant une ambiguïté et un malaise grandissant.
Est-il en train de devenir fou ?
Il est le seul comédien à tirer son épingle de ce thriller où le « Who dunnit » est moins signifiant que le « How to prouve it ». Et c’est plutôt dommage car deux des résidentes du home, Aurore Clement et Marthe Keller, ont un talent qu’il est difficilement supportable de voir à ce point sous employé.
Il y a parfois des réalisations qui se trompent d’écran. « Cortex » aurait gagné en crédibilité s’il avait été « télévisionné », alors que la magnifique série « Les oubliées » (*) d’Hervé Hadmar diffusée sur France 3 depuis le 19 janvier 2008 aurait eu sa place - une place parfaitement légitime - sur la toile.
Quand on a tout oublié, pour Edouard Herriot, il reste la culture.
Pour Nicolas Boukhrief, ce qui reste ce sont les habitudes, devenues réflexes, acquises au cours d’années de travail.
Il est tellement insupportable de se dire qu’il ne reste rien. (m.c.a)
(*) Série qui présente un point commun avec « Cortex » : le policier (un épatant Jacques Gamblin) chargé de l’affaire des disparues de l’Yonne perd la mémoire