Bruno Borsu, Simon Fraud, Medhi Hammouti
Il y a des films pour adolescents, des films avec des adolescents et, ceux que nous préférons, des films qui initient une réflexion sur et autour des adolescents.
C’est pourquoi « Control X », malgré des imperfections que l’indulgence incite à imputer aux difficultés à mettre en place un premier long métrage (*), est intéressant.
Il propose un regard sur l’interrogation essentielle de cet âge qualifié d’ingrat alors qu’il devrait l’être de fragile : qui est-on ? Pour le savoir une des pistes est de connaître, avant de les accepter, ses origines. Qu’en est-il lorsque, né sous X, on ne sait pas qui est son père et que l’on a toujours refusé de rencontrer sa mère biologique ?
C’est le cas de Sébastien, dit Seb à la fois parce que c’est son diminutif et à la fois parce qu’il déborde, comme l’auto-cuiseur du même nom, d’un questionnement qui lui laisse peu de répit.
Son mal-être, il ne l’exprimera pas comme les personnages de Gus Van Sant en errant dans les couloirs d’un lycée, comme « Donnie Darko » (de Richard Kelly) en s’inventant un ami imaginaire ou comme le héros de « Thumbsucker » (de Mike Mills) en devenant accro au suçage de pouce.
Il glandera sur les ponts autoroutiers, contemplant d’en haut le flux d’une vie dont il se sent exclu. Il fuguera autant pour s’ébrouer du spleen qui l’étreint que pour échapper à un père adoptif dont il estime l’autorité infondée.
Quand il obtiendra le nom de celui qu’il cherche, son père biologique, ce sera pour découvrir les faiblesses d’un homme qu’il avait fantasmé autrement. De ce rendez-vous humainement raté, Seb sortira différent. Calmé, dé-saffamé, prêt enfin à rencontrer, avec l’approbation affectueuse de celle qu’il a élevé, celle qui l’a porté.
« Control X » est un attachant parcours qui mène à la plus délicate des rencontres : celle de soi à soi. Lestée du besoin de se réconforter aux illusions de ce que Freud appelle « le roman familial », cette création artificielle de repères destinés à compenser l’impression des enfants de ne pas être suffisamment aimés.
Lestée aussi du besoin de provoquer les autres afin de tester l’affection qu’ils vous donnent.
Dans une de ses plus fortes balades, « 17 ans », Claude François chante que c’est
« En lancant des pierres contre le vent
En faisant des rêves de géant
Qu’on devient plus fort
A 17 ans »
C’est en se confrontant à la réalité, que Seb deviendra Sébastien. Qu’il quittera le monde idéalisant de l’adolescence pour celui moins fantasmé de l’âge adulte.
Signalons que les cinéastes ont eu la chanceuse opportunité d’avoir sur ce film, au budget modeste, un chef opérateur de renom, Rémon Fromont, qui a notamment travaillé avec Chantal Akerman ("Les rendez-vous d’Anna"), Marion Hänsel « (Between the devil and the deep blue sea ») et Frédéric Fonteyne (« Une liaison pornographique »).
Une interview des réalisateurs est proposée sur le site www.cinergie.be/entrevue
(*) les deux réalisateurs ont déjà travaillé de concert, en 2000, sur un court de 12 minutes transposant de façon distante et hiératique le tragique de la rencontre Jason/Médée avec comme scénariste, l’un des meilleurs, Euripide.