Doroteea Petre, Timotei Duma, Marius Stan
Quel parcours que celui de la Roumanie en moins de deux décennies.
En 1989 la dictature de Ceausescu y vivait ses dernières heures. En 2006 elle est à l’aube de devenir le 26ème Etat membre de l’Union Européenne.
Peut-on lire la volonté du cinéma d’accompagner la marche de l’histoire dans le fait que lors du dernier festival de Cannes deux films roumains – « Comment… » et « 12h08 à l’Est de Bucarest » de Corneliu Porumboiu ont été distingués l’un, dans la section « un Certain Regard », l’autre lors de « la Semaine de la Critique » ?
Quoi qu’il en soit, cette question qui se situe hors de la qualité intrinsèque des métrages couronnés, mérite un moment de réflexion d’autant plus qu’à Bruxelles deux métrages centrés sur Bucarest « Comment… » et « Dallas Pashamende » de Robert-Adrien Pejo (*) sont distribués la semaine durant laquelle a été officialisée l’entrée dans l’Europe à partir du 1er janvier 2007 du pays connu jusqu’ici par le 7ème art comme étant la patrie de Dracula.
Eva (**) une jeune lycéenne de 17 ans, vit ses premières amours avec le fils d’un apparatchik du régime. Accusée à la place de celui-ci pour avoir cassé le buste du Conducator, elle découvrira l’injustice opportuniste d’un régime auquel jusque là elle avait été plutôt indifférente.
Envoyée en école de redressement, elle fait la connaissance d’Andréi dont la conscience politique - il est fils de dissident - contribue à ouvrir les yeux de l’adolescente sur les conséquences désastreuses de la ligne de conduite adoptée par le Génie des Carpates.
Ensemble ils décident de s’enfuir en traversant le Danube à la nage - épreuve érigée en sport national dans les pays qui se situaient de l’autre côté du rideau de fer comme le décrivait Régis Wargnier dans son « Est, Ouest »
Eva a un petit frère, Lalalilu, qui pour retenir sa sœur décide de monter un complot pour tuer Ceausescu.
Ce qui est intéressant dans ce premier film de Mitulescu (fortement soutenu dans son désir cinématographique par Martin Scorsese qui avait été emballé par son court-métrage « 17 minutes plus tard ») c’est la fluidité réfléchie avec laquelle il souligne à quel point les peurs et les angoisses d’un régime traversent le quotidien d’une famille et le colorent de mélancolie et d’indétermination.
Si le film manque parfois un peu d’ardeur et de cohérence - sans doute parce qu’il éclate en trop de saynètes inégalement maîtrisées - son ironie Mittel Europa et sa sensibilité à cerner les comportements des adolescents confirment la vivance d’un cinéma dont l’Ecran-Total , cet été, nous a permis de voir un chef d’œuvre (***) : « La mort de Dante Lazarescu » de Cristi Puiu. (m.c.a)
(*) une chronique emphatique sur un bidonville squatté par des gitans
(*) Doroteea Petree (dont la luminosité obstinée fait écho à celle de l’héroïne de « Cautiva » confrontée aux ravages du régime de Pinochet) qui a reçu le prix de la meilleure actrice décerné par le jury cannois de la Semaine de la Critique
(***) qui rappelle par sa densité humaine la prestation du magnifique Anthony Quinn dans « La vingt-cinquième heure » d’Henri Verneuil, inspiré par l’écrivain roumain Virgil Gheorghiu