Comédie sociale
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COMME TOUT LE MONDE

Pierre Paul Renders (Belgique/Luxembourg 2006 - distributeur : Belga Films)

Caroline Dhavernas, Khalid Maadour, Gilbert Melki, Chantal Lauby, Thierry Lhermitte

103 min.
11 octobre 2006
COMME TOUT LE MONDE

Quel est le grand mérite des moralistes français ?
C’est, disait Nietzsche, d’avoir « déniaisé » l’humanité.

Quel est le grand mérite de Pierre Paul Renders ?
C’est de poser sur le monde qui nous entoure un regard qui, sans être méchant, scrute le caché de la réalité. (*)

Déjà dans « Thomas est amoureux », l’histoire d’un jeune homme dont les contacts avec l’extérieur n’existaient que par l’entremise d’un ordinateur, d’un clavier et d’une souris, le réalisateur soulignait la difficulté pour l’individu de garder, dans un monde hyper technologisé, la vérité du lien qu’il tisse avec lui d’abord et avec l’autre ensuite.

Dans « Comme tout le monde » son regard, à la fois décapant dans sa méthode mais profondément humain dans son approche des personnages (**), va s’attacher à décrire une des ambiguïtés fondamentales de l’époque : la coexistence d’une volonté individualiste exacerbée et le souci d’un conformisme hyperconsensuel. Mélange hasardeux qui rappelle le slogan publicitaire d’une célèbre boisson alcoolisée : « un privilège pour tous ».

Jalil, repéré pour ses qualités de citoyen lambda, lors d’un jeu télévisé débile, par deux experts en sondage et manipulations diaboliques, va à son insu devenir un « mètre-étalon » humain à l’aune duquel seront mesurés les désirs à prendre en considération tant pour la mise sur le marché de biens de consommation que pour la ré-élection du Président de la République.

Violée en permanence dans son intimité par des caméras placées chez lui, traquée par une amoureuse à la solde de ceux qui l’épient, décodée comme un coléoptère fiché par des épingles sur une planchette de bois, la vie de Jalil devient peu à peu un show à la « Truman » ( de Peter Weir)

Le propos de Renders aurait pu être virulent (à la Michael Moore) ou cynique (à la Sabina Guzzanti) Mais, vraisemblablement parce qu’il est un affectif, il a préféré trouver un juste équilibre entre comédie et satire, amertume et efficacité.

Son originalité touchante aura été de faire surgir d’un monde aseptisé et menteur ce à quoi on s’attend le moins : du sentiment. Aussi détonnant et remarquable qu’une rose dans un causse rocailleux. (m.c.a)

 

(*) le film s’accompagne d’une BD dont le 1er tome (sur trois) est sorti aux éditions Dupuis. Au dessin Rudy Spiessert, au scénario Denis Lapière et PPR.

(**) incarnés par des acteurs qui sont convaincants notamment un Gilbert Melki duquel émane une filouterie border line qui fait penser à Christopher Walken.