Chronique dramatique
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CLOSE TO HOME

Vardit Bilu & Dalia Hagar (Israël 2006 - distributeur : ABC Distribution)

Naama Schendar, Smadar Sayar, Katia Zimbris

90 min.
27 juin 2007
CLOSE TO HOME

On ne naît pas femme, disait Simone de Beauvoir, on le devient. En est-il de même pour les soldats, autrement dit et mutatis mutandis, naît-on soldat ou le devient-on ?

Question qui se complexifie encore quand on unifie les données de sexe et de fonction : naît-on femme soldat ou le devient-on ?

Smadar et Mirit, deux Israëliennes âgées de 18 ans, doivent, en tant que sabras, accomplir leur devoir militaire. Elles ont pour obligation de contrôler, dans les rues de Jérusalem, l’identité des passants. Non pas de tous les passants mais de ceux qui leur semblent Arabes. 

Non seulement l’idée de décrire le quotidien de jeunes filles contraintes d’accomplir un service pour lequel elles n’ont aucune attraction spontanée est intéressante, mais l’avoir insérée dans une narration extrêmement banale renforce la lente prise de conscience par les adolescentes (et les spectateurs) qu’il existe des Etats dans lesquels, plus que dans d’autres, une vigilance s’impose pour éviter que n’émerge, disruptive et violente, une réalité de tension toujours latente même lorsqu’elle ne s’exprime pas.

Smadar et Mirit, si elles ont les rêves, les conversations, les envies et les espoirs de celles qui ont leur âge, qu’elles habitent en Belgique (*), en France (**) ou aux Etats-Unis (***), n’ont pas le même droit à l’insouciance - la légéreté inhérente à leur juvénilité butant sur la gravité d’une époque.

Leur jeunesse est prise en otage par une ville qui vit dans une angoisse permanente. Par un pays dont l’atmosphère électrique et l’esprit guerroyant vont, par une néfaste capillarité, les contaminer en les amenant à se chercher querelle pour des broutilles.

A l’égal du conflit israélo-palestinien qu’une diplomatie impuissante et qu’un esprit belliqueux enkystent, la relation des jeunes filles se morcèle, peu à peu, en stases silencieuses et en rages mal contenues.

Filmé avec simplicité, caméra à l’épaule, « Close to home » est, moins un documentaire, qu’un diagnostic posé sur l’état de santé d’un pays à travers la suffocation de sa jeunesse, comme l’était "Yossi & Jagger" d’Eytan Fox.

Les comédiennes sont épatantes. A la fois fragiles et tourmentées, elles donnent à leur interprétation ce quelque chose d’un désarroi existentiel conditionné par une situation politique qui dépasse ceux qu’elle enserre dans sa toile.

Elles sont dirigées, avec maîtrise, par deux cinéastes qui n’hésitent pas à poser la question dérangeante : comment reconnaître un Juif d’un Arabe ?

Prise de position qui leur permet, sans éclat mais avec une évidente volonté de tolérance, de justifier l’inacceptable des lois ségrégationnistes qui ne font qu’activer l’agressivité des uns et la psychose des autres.

« On n’est pas sérieux quand on a 17 ans » poétise Rimbaud. Quand on est obligé de l’être, c’est que quelque chose ne tourne pas rond. Et que ce quelque chose est plus « close to death » que « close to home » (m.c.a)

(*) « Miss Montigny » de Miel van Hoogenbemt
(**) « 4 aventures de Reinette et Mirabelle » d’Eric Rohmer
(***) « Legally Blonde » de Robert Luketic