Ana Giradot, Joséphien japy, Jérémie Rénier, Benoït Magimel,
Cloclo ou ClocloS ?
Un homme ou des hommes ? Ou encore quand la réussite flirte avec l’autodestruction.
Ce biopic de Claude François, attendu par ses fans, voulu par ses deux fils et déjà décrié par sa soeur, réserve à la fois surprises et déconvenues - prouvant si besoin est que s’intéresser à la vie d’une star c’est prendre autant le risque de plaire que de décevoir.
Surprises d’abord parce que l’axe du film n’est pas de celui de l’unilatéralité du point de vue mais celui de la mise en perspective des failles, et elles sont nombreuses, d’un chanteur devenu, à force de travail et de volonté, une des idoles favorites des auditeurs de l’émission de Daniel Filipacchi « Salut les copains ».
Chanteur dont les paillettes, couches de fond de teint et cheveux blondisssimés cachent mal le tempérament fébrile, obsessionnel. Dont la fragilité intérieure, celle du fils qui n’a pas établi avec le père une relation satisfaisante, ne sera jamais apaisée même par une boulimique recherche de reconnaissance sociale ou affective.
Sorte d’« Homme pressé » à la Paul Morand, toujours écartelé entre excitation et burnout, Claude François veut tout faire. Tout être - bête de scène, compositeur à succès ("Comme d’habitude"), business man, patron de presse, homme à femmes, fils aimé et aimant, père présent-absent ….- sans rien lâcher d’un narcissisme aussi infantile qu’agaçant.
Déconvenues aussi parce que la réalisation est hyper conventionnelle et consensuelle - on est loin des audaces et innovations à la Ken Russell -, que le film dure 2 heures vingt huit soit un bon trente minutes de trop et que les rôles des artistes secondaires (Johnny Hallyday, Otis Reding, Frank Sinitra) sont trop falotement esquissés. Plus fantoches que crédibles.
Il est dommage aussi que l’attention aux événements historiques, à part l’allusion à la fermeture du canal de Suez, qui ont été la toile de fond de la vie du chanteur soit à ce point inexistante.
Comme si l’existence de ce dernier se suffisait à elle-même, étrange solipsisme qui ne fait qu’esquisser trois évidences sociologiques pourtant capitales des décennies 1960 et 1970 : le temps passé devant la télévision implose, le marketing jeunesse s’implante et la culture black acquiert droit de cité sur les planches et les écrans.
La force et le rythme du film on les doit essentiellement à son acteur principal - Jérémie Rénier (*)trouvant ici une belle occasion de démontrer à quel point il est formidablement flexible.
Sachant à la fois se discipliner pour faire de son corps un outil de travail et le lieu d’une incarnation qui cerne, par les gestes et attitudes adéquats, au plus près son modèle.
Et proposer au spectateur une réflexion sur ce qui meut une juste interprétation. S’agit-il pour le comédien d’aller vers le personnage ou de laisser celui-ci venir à lui pour ensuite le nourrir de l’intérieur ?
Par sa prestation, Jérémie Rénier donne à penser que dans « Cloclo » il n’y a pas que Claude François qui soit iconique. (mca)
(*) qui ne fait pas oublier combien Benoït Poelvoorde, dans le parodique "Podium" de Yann Moix, a su lui aussi se couler dans la peau et les artifices du chanteur aux costumes strassés - la cloclososie, une spécialité belge ?