Mira Furlan, Jelena Stupljanin, Miki Manojlovic, Boris Ler
La guerre, il la connaît bien Danis Tanovic. Pendant le siège de Sarajevo, c’est en documentariste qu’il l’a filmée.
Depuis c’est sur les écrans blancs de la fiction qu’il la décline. Ces écrans qui ne présentent aucun autre risque que d’être boudés par le public.
Dans son premier film « No man’s land » il en dépiautait les absurdités avec cet humour tragicomique qui est, pour ceux qui ont beaucoup souffert, un efficace bouclier au ressassement dépressif.
Dans « L’enfer » il en faisait le moyeu de relations familiales (et surtout sororales) dysfonctionnelles.
Dans « Eyes of war » il abordait les difficultés du métier de photographe de guerre à la fois lorsqu’il est sur le terrain des combats et lorsqu’il retourne à la vie civile. A la vie dite « normale ».
Dans « Cirkus … », il s’intéresse à cette période de flottement qui précède les conflits que l’on sait inévitables mais dont on ne veut pas voir les prémisses.
Divko a quitté son village il y a vingt ans, laissant derrière lui femme et fils. Il y revient en 1991 après le chute du mur de Berlin. En espérant y couler, aisance matérielle assurée, des jours paisibles dans une Bosnie-Herzégovine enfin débarrassée du communisme.
Mais la paix se décrète t-elle parce qu’on l’a décidé ?
Ou est-elle la résultante improbable de phénomènes immaîtrisables : les retrouvailles avec un enfant devenu un homme et une femme qui n’a pas voulu vous suivre dans l’exil, les tensions entre des communautés (bosniaque et serbe) destinées à devenir ennemies, les égoïsmes, lâchetés et rancœurs personnels ?
Si la finesse, le traitement ironique d’une situation dont on suit l’inexorable dégradation sont au rendez-vous pour faire de « Cirkus… » une œuvre prometteuse et éloignée des stéréotypes et lourdeurs de ses deux précédentes réalisations, pourquoi fallait-il qu’une mise en scène plate, une redondance étouffante (surtout dans la dernière demi-heure) et un "cirque"grotesque autour d’un chat noir (*) viennent en plomber l’inspiration ?
Un peu comme si un orpailleur - alors qu’il a dans sa nasse une pépite : capter l’éphémère des jours qui séparent un pays en paix de son entrée en guerre - la noyait sous un fatras de sensations et de sentiments trop éclatés ou cabotinés (un obligé du tempérament balkanique ?) pour garder sur la durée (près de 2 heures) leur force et crédibilité.
Mélancolique et pessimiste, « Cirkus… » est au cinéma ce que « Le Sud » de Nino Ferrer est à la chanson.
Une réflexion mélancolique et angoissante sur l’inéluctabilité des guerres en germe.
« Un jour ou l’autre, il faudra qu’il y ait la guerre. On le sait bien.
On n’aime pas çà, mais on ne sait pas quoi faire. On dit c’est le destin ».
"Cirkus..." est une adaptation revue et corrigée du roman d’Ivica Djikic et a remporte au Festival d’Antalya 2011 le prix du Public.
(*) un hommage à Emir Kustarica, le cinéaste entre autres en 1998 de « Chat noir, chat blanc » ?