Clive Owen, Michael Caine, Julianne Moore, Claire-Hope Ashitey
Sans avoir la radicalité hargneuse du "No Future" des Sex Pistols, le regard que pose sur notre avenir Alfonso Cuaron n’en est pas moins désespéré.
2027. La planète est plongée dans le chaos, l’Angleterre est devenue un Etat totalitaire comme dans "V for Vendetta" de James McTeigue, Londres est déchirée entre factions policières et groupement d’activistes combattant pour la défense des réfugiés qui envahissent la ville.
Les Anglais ont une alerte propension à décrire un futur sans illusion. Orwel dans son « 1984 » (*)le voyait appendu à un Big Brother omniprésent et omnipuissant, Brian Aldiss dans « Artificial Intelligence » (**) impliqué dans une funeste robotisation des relations humaines et Ruth Rendell, à l’origine de « Children of men » englué dans monde incapable de se renouveler depuis que les femmes ont cessé d’enfanter. Métaphore à laquelle Robert Merle dans son « Les hommes protégés » avait déjà fait allusion pour souligner l’enlisement du monde dans une infertilité généralisée.
Dans ce monde glauque, déprimant, qui ressemble à un vaste Guantanamo, Théo (un hallucinant et halluciné Clive Owen) est chargé d’une mission : aider la première femme enceinte depuis dix-huit ans à rejoindre le seul havre de paix existant encore sur la planète, un bateau au nom empreint de tous les possibles : « Tomorrow »
La première partie du film est impressionnante, marquée notamment par un long plan séquence haletant d’une course voiture/motos et la présence d’un Michael Caine (magnifique comme toujours) qui a réussi à conserver dans cet univers en perdition une oasis d’humanité.
Sans partager la vision catastrophiste de ce film aux couleurs ténébreuses - celles du plan final rappellent les bruns, noirs et verts des naufragés du « Radeau de la Méduse » de Delacroix – il convient quand même de souligner que la force de Cuaron est de recenser, malgré une certaine confusion narrative en fin de parcours, tout ce qui conduit, lentement mais inexorablement, l’humanité vers ce qui risque de devenir une impasse existentielle : terrorisme religieux, immigration sauvage, poubellisation de l’environnement, délitement du lien citoyen, pandémies, guerres nucléaires, élites fascisantes…
« The children… » n’est pas un film de science ou de politique fiction - ce qui serait rassurant – il nous parle des peurs qui sont aujourd’hui les nôtres. Sa sombre crédibilité (proche du reportage) est renforcée par un usage virtuose de la caméra à l’épaule, par une économie des dialogues qui ne s’éloignent jamais du sujet et permet à une bande-son très sélective de se déployer avec une percutante efficacité.
La lecture de la mort de Théo - qui en grec signifie Dieu - au moment où émerge du brouillard (bref moment où on passe de la noirceur de Delacroix à la lumière de Turner) le bateau "Tomorrow" est laissée à la libre interprétation de chacun. Certains y verront la confirmation dostoievskienne que "The children of men" ont définitivement cessé d’être des "Children of God", d’autres qu’un frêle enfant, par sa naissance, devient porteur d’une inespérée réviviscence de l’Humanité. (m.c.a)
(*) adapté au cinéma par Michael Radford en 1984
(**) porté sur grand écran par Steven Spielberg en 2001
Site officiel du film : www.childrenofmen.net