Deux regards - deux opinions
2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s)

CHIEN

Samuel Benchetrit

Vincent Macaigne, Bouli Lanners, Vanessa Paradis

90 min.
2 mai 2018
CHIEN

Deux ans après son dernier long métrage, Samuel Benchetrit revient sur le grand écran avec l’adaptation de son roman éponyme, " Chien ". Le réalisateur délaisse les HLM d’ " Asphalte " pour un microcosme hors du temps où l’homme devient un chien pour l’homme. La première du film avait lieu cet été au Festival International du Film de Locarno (Suisse). Chez nous, c’est au Festival du Film Francophone de Namur que le film a été acclamé en première national. " Chien " est reparti avec le Bayard d’or du Meilleur Film, le Bayard d’or du Meilleur Scénario et le Bayard d’or du Meilleur Comédien pour Vincent Macaigne.

Alors qu’" Asphalte " se concentrait sur des gens qui se rencontrent, " Chien " nous parle d’un homme qui se perd. Et c’est bien de l’homme dont il est question, contrairement à ce que le titre laisse supposé. Jacques Blanchot (Vincent Macaigne) a tout perdu ; sa femme, son travail et sa maison. Son fils n’a pas de respect pour lui et le chien qu’il vient d’acheter meurt écrasé. Brisé, il devient peu à peu étranger au monde qui l’entoure et, accueilli par le patron d’une animalerie, il se transforme petit à petit en chien.

Ce récit surréaliste nous place devant des scènes cyniques, mais pleines de tendresse. Jacques n’attend plus rien de sa vie. Il est dénué d’ambition et devient étranger au monde qui l’entoure. C’est en ces termes que son comportement se rapproche de celui du chien. Hors de la spirale du quotidien métro-boulot-dodo, le protagoniste n’a plus de problèmes d’argent (ce qui rend la scène avec son banquier très amusante) et ne pense pas au futur. Il vit le moment présent et ne se pose pas la question d’être heureux ou non. Pour traduire ce sentiment de vacuité dans le langage cinématographique, Samuel Benchetrit place son héros dans des espaces vides. À plusieurs reprises, on le retrouve sur les parkings des centres commerciaux, dans les hangars, dans un hôtel peu fréquenté. Ce monde est construit comme un ensemble de cages dans lequel Jacques évolue. En outre, plusieurs plans fixes présentent le protagoniste en gros plans. Ils sont suivis d’un raccord regard qui nous présente un paysage désolé, sans intérêt. Jacques attend comme un chien peut le faire devant la fenêtre. Mais au fond, l’idée n’est pas tant de copier l’animal que de garder l’idée d’une personne qui se laisse traiter comme un chien après avoir perdu son amour propre et tout ce qui construisait sa vie. En somme, Samuel Benchetrit se pose la question de comment rester un homme tout en restant dans une logique d’un homme qui se transforme en animal de compagnie.

(Laura Istace)