Autour d’un fait divers
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Coup de coeurCE QU’IL FAUT POUR VIVRE

Benoît Pilon (Canada 2008 - distributeur : Cinéart)

Natar Ungalaaq, Eveline Gélinas, Paul-André Brasseur

102 min.
1er juillet 2010
CE QU'IL FAUT POUR VIVRE

Qu’est-ce qui pousse à aller au cinéma ?
Qu’est -ce qui pousse à privilégier, une fois la décision de déplacement prise, tel ou tel film ?

Ces questions n’ont d’insignifiant que leur apparence.

En effet, les réponses que chacun y apporte reflètent quelque chose de lui-même, de sa relation au monde et à l’autre.

En l’espèce, ce qui peut donner l’ envie, à l’explorateur qui gît en tout spectateur, d’aller voir ce beau film de Benoît Pilon est son titre.

A la fois questionnant et solutionnant.

Un peu comme s’il invitait à la certitude d’une espèce de vade-mecum permettant d’aborder, clés en mains, l’existence et ses méandres.

Ce titre-fantasme, puits de richesses potentielles dont le mystère relève autant de la métaphysique que de l’économie s’apparente-t-il aux démarches restrictives de ce début de XXI siècle - la nécessité d’une approche décroissante des marchés chère à Serge Latouche ou encore les appels de Pierre Rabhi (*) à un processus de "sobriété heureuse » ?

Que nenni « Ce qu’il faut… » est à la fois plus complexe, plus proche du facteur humain cher à Graham Greene ou de la quête existentielle de Pétrarque lorsqu’il ascensionne, dans un court récit éponyme, le Mont Ventoux.

En suivant le séjour de près de deux ans de Tivii, un chasseur inuit des lointaines terres de Baffin, dans un sanatorium de Québec, on découvre, ébloui, ému et vaguement honteux de l’avoir, en occidental repu, oublié - le film se passe en 1952 - qu’il existe des hommes et des femmes pour lesquels les notions (depuis galvaudées ?) d’engagements familiaux, de responsabilité et de générosité ont non seulement un sens mais sont une nécessité.

Notions vitales dont l’absence durement ressentie mène Tivii à une grève de la faim soutenue autant par son éloignement de chez lui que par la conviction intime de faillir à sa qualité de chef de famille.

Qui dans son cas redonne toute sa grandeur à celle de responsable d’âmes.

A la fois étranger à la sophistication élégante et torturée du Thomas Mann de « La montagne magique » ou à la simplification excessive du populaire « vivre d’amour et d’eau fraîche", le réalisateur, porté par la noble interprétation de ses acteurs principaux, réconcilie le spectateur avec une dignité dont ce dernier a perdu, malmené par une quotidienneté souvent âpre et éclatée, la dimension.

Il existe des « feel good movies ».

Avec « Ce qu’il faut… » il existe au moins un « feel human movie ».

Ne reste au spectateur une fois sorti de l’émotion induite par la projection de ne pas retrouver, avec empressement et indifférence, ses travers égoïstes et égotiques.

Le plus dur reste à faire … (mca)

 

(*) edition Actes Sud (2010)