Martina Gusman, Ricardo Darin, José Luis Arias
Le hasard fait bien les choses. Au moment où sort en librairie une remarquable monographie sur « Les avocats au cinéma » de Christian Guéry (**), l’Arenberg propose un thriller sombre et trépidant « Carancho ».
A l’image de ses producteurs, un panaché d’interventions françaises, sud-américaines et coréennes (du Sud), il est une combinaison (parfois proche de la « combinazione ») d’ambiances différentes et opposées.
Tantôt regard réaliste sur un fait de société, les accidents de la route sont la première cause de mortalité en Argentine, tantôt point de vue plus désabusé qu’ironique sur les avocats qui profitent sans état d’âme de situations souvent dramatiques, tantôt encore attention accordée à un cas particulier qui va permettre à une jeune médecin urgentiste et à un « baveux » peu scrupuleux de se rencontrer.
Et d’essayer d’être l’un pour l’autre le prétexte de vivre avec une dignité qu’ils n’ont jamais connue dans le monde urbain et glauque que leur métier les contraint de fréquenter.
S’il n’y a pas dans ce « Carancho » l’esprit satirique de Billy Wilder qui en 1966 s’était déjà intéressé dans « The fortune cookie » à ces avocats dont la cupidité tentaculaire n’hésite pas à suggérer à leurs clients d’escroquer leur compagnie d’assurance, il y a dans le film de Trapero un rythme, une trépidance, un tempo.
Faits d’alternances entre gros plans et plans séquences, entre lieux fermés (les couloirs d’hôpitaux) et les lieux ouverts (les rues), entre ambiance mortifère et envie de rédemption.
« Carancho » dérange par ses ambiances blafardes et plombées, convainc par sa mise en scène efficace et très physique, séduit par son interprétation impeccable, notamment celle de Martina Gusman et Ricardo Darin les magnifiques interprètes de respectivement "Leonora" du même Trapero et « El secreto de sus ojos" de Juan José Campanella.
« Carancho » est à la fois un film ardent, haletant et explosif.
Les quelques lourdeurs, excès d’esthétisme et de morale (chrétienne ?) qui le lestent n’arrivent pas à en atomiser l’intérêt.
Au contraire ces quelques faiblesses ou redondances lui donnent une visibilité réjouissante et en nimbent la noirceur d’une vulnérabilité attachante. (mca)
(*) au sens propre : un rapace. Au sens figuré : un avocat véreux
(**) paru aux "PUF"