Philipp Seymour Hoffman, Catherine Keener, Clifton Collins Jr
Quel est le sujet de ce film réalisé avec un sens de la construction qui fait penser à du Mondrian ?
Est-ce l’évocation d’un fait divers sordide (4 membres d’un même famille tués pour moins de 50 dollars), la mise en perspective de 2 criminels ou l’évocation d’un écrivain narcissique et mondain qui va tirer de ces massacres matière à un roman, « In cold blood » qui réunira les qualités rares d’être à la fois un best-seller et une authentique œuvre littéraire ?
Loin de l’adaptation au rasoir réalisée en 1967 par Richard Brooks, Miller a choisi de traiter son sujet en l’insérant dans un processus, celui de la création littéraire, dont il démonte et démontre la perversion.
Pour écrire son livre, Capote, avec la voracité d’une goule, va s’intéresser plus particulièrement à l’un des assassins (Perry Smith), le séduire par tous les moyens : mensonges, promesses non tenues, ruses pour mieux lui dérober une intimité qu’il mettra en phrases courtes et sèches, à l’effet aussi létal que le tranchant de la corde à laquelle Perry sera condamné. La cuistrerie de Capote, en apparence, est efficace puisqu’il en sortira un livre salué de la critique et du public pour ses qualités génératrices d’un nouveau genre : le roman non fictionnel.
Pourtant l’auteur ne sortira pas indemne de ces 6 ans de gestation faites d’allers-retours entre l’utilisation cynique de l’histoire d’un autre et la tentation vertigineuse de s’y identifier. Il perdra sa flamme d’écrivain mais surtout il rencontrera sa part d’ombre, cette capacité d’autodestruction qu’il peaufinera, le reste de ses jours, à l’aide de whiskies et de médicaments.
Philip Seymour Hoffman campe, avec un sens exaspérant de l’affectation mise au point par son modèle, un Capote égotiste et ambitieux. Il serait intéressant de voir ou revoir le film (*) ou le documentaire (**) dans lesquels Capote a joué, pour ressentir en « live » le perçu de la voix nasillarde et maniérée que lui prête (ou emprunte) Hoffman.
Face à lui un Clifton Collins Jr dont l’intensité plus naturelle accentue la démarche pathologique et malsaine de l’écrivain. A côté de lui une Catherine Keener qui, par son interprétation humble d’Harper Lee (auteur d’un roman phare : « To kill a mocking bird »), incarne une approche plus équilibrée de l’écriture, hors du double jeu phagocytant/phagocyté qui sertit la préparation de « In cold blood » dans une morbidité tragique. (m.c.a)
(*) « Murder by death » de Robert Moore (1976).
(**) réalisé par les Maysles en 1966.