Denis Lavant, Leos Carax, Katerina Golubeva
Ce devait être une exposition au Centre Pompidou, itinéraire d’un cinéaste, Leos Carax. Cela ne s’est pas concrétisé. Et c’est par le cinéma finalement que Leos Carax se raconte, et disons le, d’une manière magistrale. Et bien sûr, on évoquera Godard et son « Histoire(s) de cinéma », cette somme d’extraits de films, de citations picturales et poétiques, sur papier et sur écran, pour dire toute une époque, le terrible 20e siècle et ses violences inouïes. Une filiation naturelle, sans imitation aucune, qui se percevait déjà dans « Mauvais sang », notamment dans un certain usage de couleurs franches et claquantes. Godard qui apparaît en voix et en présence parmi d’autres figures tutélaires dont se réclame le cinéaste.
Par fragments, images de cinéma, instantanés de vie, Carax se scrute, se questionne, doute. Sa voix en off énonce des phrases lapidaires, souvent intenses, jamais anodines. Lui aussi évoque le 20e siècle et raconte à sa façon la décision prise en 1942 d’exterminer tous les nuisibles... et n’oublie pas de pointer sa caméra sur les prédateurs d’aujourd’hui. Mais en marge de la grande Histoire, le cinéaste nous plonge aussi dans l’air du temps, avec chansons à l’appui, Nina Simon, Bowie, des moments de douceur aussi, la promenade de la petite fille, les chats qui traversent l’écran, le piano... et la si belle séquence finale avec la marionnette Annette. Et n’oublions pas la signature Carax : l’omniprésence toujours aussi provocatrice, perturbante de son acteur fétiche, Denis Lavant, un sommet de la dérision.
Un film tellement riche et inventif, aux images gorgées de poésie, où rien n’est hermétique, où tout nous parle. A voir, et à revoir sûrement.
Tessa Parzenczewski