William Eggleston, David Byrne, Dennis Hopper, Piero della Francesca
William Eggleston (1939 Memphis/Tennesse /USA - toujours en vie et toujours en activité artistique).
La preuve de sa vitalité et de son importance : deux films lui ont été consacrés la même année. L’un, « William Eggleston in the real world » est l’œuvre d’un jeune américain Michael Almeryeda, l’autre de deux français Vincent Gérard et Cédric Laty dont l’audacieuse inspiration tranche du travail monotone et monochrome, par l’ esprit, l’ intention et le montage, de leur prédécesseur.
Gérard et Laty ont décidé de découper leur approche du photographe en 12 moments, en 12 lieux, en 12 saisies qui, comme les mois de l’année tissent une ronde de sensations et de clarté différentes, vont permettre d’approcher un personnage non pas dans la rigueur d’un portrait mais dans l’errance d’une esquisse dont la trame prend forme au fil de rencontres (avec Dennis Hopper, David Byrne) de voyages (Rome, Arles, New York) ou d’exposés sur les techniques de tirage (le dye-painting) qui permet à chaque ton de la photo de trouver sa luminosité la plus aboutie.
Le regard d’Eggleston sur le réel est affranchi de tout maniérisme. Il est brut de décoffrage tout en étant inattendu par ses cadrages déstructurés. Ce que rend bien le film qui pose sur l’artiste et sa production un regard insolite et surprenant. Osant les rapprochements avec les grands coloristes classiques que sont, pour le passé, Piero della Francesca et pour le présent Alfred Hitchcock.
Eggleston est connu et réputé pour être non pas l’inventeur de la photographie en couleur mais celui qui a travaillé la couleur avec une telle intensité qu’il réussit à donner à un cliché à priori banal un sentiment d’évidence qui éclabousse celui qui le regarde de la langueur d’une étreinte mélancolique qui perdure bien au-delà de la perception rétinienne.
« By the ways… » est une invitation non pas à voyager (en anglais : a travel) avec Eggleston mais à réfléchir, en se promenant (a journey), sur ce qui se dégage du réel concret et quotidien (cafés, voitures, centres commerciaux …) de la civilisation américaine.
Coincé entre fiction et reportage, entre hommage et mise en perspective parfois ironique, « By the ways… » donne à voir un homme qui aime Bach, les objets de qualité et les gants. Qui est rétif aux interviews strip-tease, aux commentaires oiseux sur ses œuvres et aux prises de positions définitives.
Il est dit de son compatriote et confrère, Weegee ou l’as du scoop des années 1937/1955 qu’il travaillait ses photos comme Chandler ses enquêtes, il pourrait être dit d’Eggleston qu’il travaille les siennes avec la volonté décontractée de ceux qui savent que leur coup d’œil anti norme est aussi anti morne. (m.c.a)