Richard Lord et les membres de son club de boxe à Austin Texas USA, le "Lord Gym"
Michel Le Bris aime les explorateurs. Il les aime tellement qu’il leur a consacrés un « Dictionnaire amoureux ».
On n’y trouve pas à la lettre W, le nom de Wiseman. Et c’est dommage, car le documentariste y aurait sa place.
Car qu’a-t-il fait d’autre que de parcourir des univers différents - d’une école à un hôpital psychiatrique, d’un centre d’aide sociale à une cellule d’accueil de femmes et enfants victimes de violences domestiques, il accorde aux malmenés de la vie une inlassable attention tout en portant sur les pouvoirs et institutions en place des regards moins amènes.
Lorsqu’il nous invite à l’accompagner, ce n’est pas pour un voyage dans un ailleurs imaginaire mais au contraire pour découvrir un lieu bien ancré dans une réalité dont avec patience et acuité (qui, il est vrai, engendrent parfois par leurs répétitions et lenteurs un ennui passager **) il va déployer les évidences et les secrets, les banalités et les incongruités.
Pendant six semaines, Wiseman a posé sa caméra à Austin dans une salle de boxe fréquentée par des gens de toutes sortes, de tous âges et de tous métiers. De ce modeste hangar qui ne connaît même pas la climatisation il va capter les vibrations d’une Amérique humaine et brutale, tolérante et sceptique, avide de liberté et soucieuse de contraintes.
On y croise des pauvres et des riches, des vieux et des enfants, des wasps et des portoricains, des malades et des bien portants. Chacun uni à son voisin par la même détermination et la même quête.
Non pas de devenir nécessairement champion mais de se rapprocher de ce qu’il est au plus profond et intime de lui-même.
Ici pas d’artifice, d’orgueil, de boursoufflure égotique, de vantardise, d’esprit revanchard, de laisser-aller.
Juste des hommes et des femmes qui acceptent de se plier à un cérémonial fait de routine et de gestes inlassablement réitérés pour se sentir vivre et en communion avec ses compagnons de sport.
Ce qu’ils viennent chercher chez Richard Lord (hé … oui comme « Lord Jim » le héros de Joseph Conrad *) ce n’est pas une fuite hors du réel - le local d’entraînement n’est pas fermé aux secousses du Monde - mais un savoir, une façon d’être basée sur le respect de soi et de l’autre.
Faire face et se faire face c’est que fait Wieseman depuis son premier opus, « Titicut follies » à l’aide d’une technique aussi minimaliste qu’exigeante, viscérale qu’élégante qui privilégié le travail à l’épaule, l’éclairage naturel et les sons non trafiqués.
Il y a de l’harmonie dans « Boxing … », de l’harmonie, de la puissance, de l’empathie.
Mieux encore, de la noblesse - ne dit-on pas de la boxe qu’elle est le noble art - dont les armoiries ont pour emblèmes des punching balls, des poires de vitesse, des gants de cuir.
Dont les hymnes résonnent des bruits de cordes à sauter qui claquent, de respirations essoufflées, de coups sourds et de semelles qui dansent sur des pneus ou des linos.
Hollywood a toujours aimé, de Charlie Chaplin à Mark Walberg (**) les films sur la boxe.
A la passion et à l’exaltation qui les animent, Wiseman leur préfère une vérité qui humanise et sensibilise.
A la possibilité, à un espoir d’une Amérique moins fermée sur elle-même. Plus tolérante et solidaire. (mca)
(*) qui a signé là un inoubliable roman sur la fraternité.
(**) William T. Vollman dans un très intéressant article consacré au cinéaste, dans le librum amicorum consacré au cinéaste (édité chez Gallimard en 2011) évoque cette impression - qu’il qualifie de "persévérance fastidieuse - et la justifie.
(**) de "Charlot boxeur" en 1915 à "The fighter" de David O. Russell en 2011