Drame social
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BLACK

Adil El Arbi et Billal Fallah

Martha Canga Antonio, Aboubakr Bensaihi et Soufiane Chilah

95 min.
11 novembre 2015
BLACK

Mavela, 15 ans, rejoint la redoutable bande urbaine des Black Bronx. Marwan, un petit délinquant d’origine marocaine, fait quant à lui partie des 1080. Lorsque ces deux jeunes se rencontrent, c’est le coup de foudre. Écartelée entre la loyauté envers son clan et l’amour qu’elle porte à son jeune Roméo, Mavela fera le violent apprentissage de l’implacable loi qui régit son gang : membre un jour,membre pour toujours.

Black est l’adaptation de deux romans de Dirk Bracke dont l’un, éponyme, est sorti en 2006 et l’autre ( Back ) en 2008. Au départ, c’est à Hans Herbots que l’on doit l’écriture du scénario, et il a fallu à Adil El Arbi et Billal Fallah toute la force de persuasion possible pour convaincre le réalisateur de l’excellent film De Behandeling de leur en confier la réalisation.

Sur la forme, le deuxième long métrage1 de ces deux jeunes réalisateurs, a tout d’un grand : la mise en scène est minutieusement travaillée, les images, qui ont parfois des allures de clip, sont stylisées, et certaines scènes sont chorégraphiées avec un soin hors pair. Lorsqu’elle ne sublime pas la dramaturgie, la musique colle à la psychologie des personnages, s’immerge dans les décors et renforce l’authenticité des lieux dans lesquels ils se meuvent.

En dépit d’une approche volontairement esthétique, il ne pourrait toutefois pas être reproché aux réalisateurs une complaisance esthétisante : certaines séquences d’une extrême violence sont certes savamment orchestrées mais leur stylisation ne diminue en rien la terrible réalité qu’il dévoile. Selon ses réalisateurs, l’atmosphère de Black se veut hollywoodienne, et il est vrai que la qualité d’ensemble de la réalisation parvient à donner à la ville de Bruxelles, même dans ses quartiers les moins glamours, des allures de grande dame.

Sur le fond, le film reprend à son compte l’histoire d’un amour impossible, celle de Roméo et Juliette, et remet au goût du jour West Side Story . La trame n’est donc pas neuve, et d’emblée, on se doute bien que la fin sera tragique. Pourtant, même si l’issue est prévisible, les réalisateurs sont parvenus à maintenir une tension dramatique constante.

Black dispose donc d’indéniables qualités cinématographiques, et l’on peut aussi se féliciter de sa tonalité féministe car, c’est sans aucune concession, qu’Adil El Arbi et Billal Fallah dénoncent, entre autres, à travers le personnage de Mavela (dont le parcours s’inspire d’une histoire vraie), la violence faite aux femmes ainsi que la réification dont elles sont les victimes dans les bandes urbaines.

« Par le passé, il y a déjà eu des films sur des bandes ; mais ce sont toujours des films très masculins où les femmes sont soit inexistantes soit reléguées au second plan. … On voulait montrer les conséquences réelles de cette culture machiste sur la femme, qui est réduite à un objet » , insiste Adil El Arbi.

Cependant, il n’en demeure pas moins que le film pourrait susciter un certain questionnement voire soulever la polémique sur quelques points. Pourquoi, par exemple, les Black Bronx sont-ils plus violents que les 1080 ? Pourquoi avoir suggéré un viol et avoir été visuellement très explicite pour l’autre ? La communauté noire ne risque-t-elle pas de se sentir stigmatisée dans ce film ? Entre les motivations supposées des réalisateurs, les éventuels malentendus et la controverse que Black est susceptible de provoquer, il nous a donc semblé utile, voire nécessaire, de rencontrer les deux cinéastes afin d’obtenir directement leur éclairage. Lire donc à ce sujet notre interview d’Adil El Arbi et Billal Fallah !

( Christie Huysmans )


1Image, sorti en 2014, est leur premier long-métrage.