Natalie Portman, Mila Kunis, Barbara Hershey, Winona Ryder, Vincent Cassel
Décidément oui « Black swan » est un film parfait.
Un parfait condensé des impasses, frontières vastes allant de l’invraisemblance au grotesque, auxquelles aboutit une réalisation lorsque la matière et la manière ne trouvent pas à s’épouser.
Lorsque la deuxième non seulement échoue à donner sens à la première mais au contraire réussit à la saboter.
A l’évider de ce qui aurait pu devenir sa force. Sa puissance efficace.
Membre de la troupe du New York City Ballet, Nina se voir proposer le rôle de sa vie. Celui de la soliste du Lac des Cygnes de Tchaïkovski. S’il ne fait aucun doute qu’elle a le talent pour incarner le versant pur et innocent de l’œuvre, aura-t-elle celui de donner vie à sa face sombre et violente ?
Adaptation libre d’un roman d’Andres Heinz, « Black .. » est une variation, organique et sexuelle, d’un moment particulier de la vie d’une jeune fille infantile et fragile confrontée à une demande pulsionnelle. Celles d’un rôle et d’un metteur en scène avide de tirer d’elle une féminité à laquelle elle n’est pas préparée.
Les thèmes abordés par « Black… » sont multiples.
Trop diversifiés pour être réellement approfondis, ils ne sont qu’effleurés et surlignés par une musique dont la beauté poignante est sacrifiée sur l’autel d’inutiles et encombrants décibels.
Qui donnent au spectateur l’impression que si le corps des danseuses est contraint à souffrir mille maux, lui aussi doit l’accompagner sur ce chemin de croix - pieds en sang, ongles incarnés, desquamations diverses, éruptions cutanées (*) - en ayant les tympans arrachés et la vue squattée de scènes dont on s’interroge encore sur la nécessité tant elles sont glauques, gores et perverses.
Plus gênant encore sont les emprunts, rageurs et étouffants, à des films référentiels ayant traité, en mieux, des mêmes archétypes et nœuds psycho-narratifs.
La relation mère-fille (**) renvoie à celle de « La pianiste « de Haneke, le refoulement menant à la schizophrénie au « Répulsion » de Polanski, l’ambition dévastatrice aux « Red shoes » de Presburger & Powell et la quête d’une perfection autodestructrice au « Foutainhead » de King Vidor.
Pour incarner le destin tragique et suicidaire de la jeune ballerine une Natalie Portman dont la fluidité de jeu à la fois fiévreux et intransigeant continue à surprendre.
Pour lui rappeler que la carrière des danseuses est, lorsqu’elles sont étoiles, éphémère une Wynona Ryder hallucinée, que la rivalité professionnelle est autant un appel à se dépasser (un désir ?) qu’une butée une sex-appealante Mila Kunis.
Barbara Hershey confère à l’image des mères faites pour être quittées parce qu’elles sont castratrices une dangereuse et captieuse réalité.
Le seul à griffer la pellicule d’une présence peu convaincante : Vincent Cassel dont les aspects faunesques sont un écho à sa médiocre prestation dans le tout aussi médiocre « Sa majesté minor » de Jean-Jacques Annaud.
Nina, si elle a la beauté du cygne, a surtout la vulnérabilité de l’héroïne de Tchékhov dont elle porte le prénom.
Pourquoi diable fallait-il que l’envol de cette moderne « Mouette » ait la pesanteur d’une enclume et soit le ridicule prétexte d’une scène finale soûlante d’excès et de mauvais goût ?
Le cinéaste se prendrait-il pour Rothbart, le cruel magicien jeteur de sorts ?
De maléfices auxquels il est permis au spectateur qui n’aime pas le grand-guignol de tourner le dos.
Natalie Portman a recueilli l’Oscar 2011 de la meilleure actrice pour son rôle dans "Black swan". (mca)
(*) à côté de ce « récital » de bobos, les stigmates de Saint François d’Assises semblent peanuts.
(**) le rapport parents-enfants est une des constantes de l’œuvre de Daronofsky. Il soutenait déjà l’architecture de « Requiem for a dream » et était un des paramètres du destin de Mickey Rourke dans « The wrestler ».