4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s) 4étoile(s)

Coup de coeurBlack dog

Hu Guan

Liya Tong, Eddie Peng, Jia Zhangke

116 min.
23 avril 2025
Black dog

Chine, 2008, à la veille des Jeux Olympiques, loin de Pékin, au bord du désert de Gobi : le film s’ouvre sur une magnifique perspective des montagnes désertiques, traversées par une piste poussiéreuse où roule un bus. Soudain une meute de chiens errants dévale les pentes et se jette sur le bus qui se renverse. En sortent les passagers dont Lang (Eddy Peng) (1), qui, libéré de prison, rejoint une patrouille locale chargée, sur ordre du gouvernement, de débarrasser sa ville natale des meutes de chiens errants.
Et à partir de là, le film prend toute sa force car le réalisateur- c’est en tous cas la lecture que j’en ai faite- nous raconte plusieurs histoires qui s’entremêlent, se superposent pour dresser un tableau époustouflant :

L’histoire de Lang, tout d’abord, qui, sur sa moto, héros muet et solitaire d’un western tout aussi surréaliste, part à la recherche des chiens errants, à coté du chef d’équipe, joué par Jia Zhangke, l’ami du réalisateur. Epopée d’un cheminement vers la rédemption, vers l’apaisement ?

L’histoire de l’amitié qui se noue entre Lang et le « Black dog », sorte, lui aussi, de personnage mythique qui semble trouver avec Lang un langage commun au milieu de ces autres acteurs de ce film que sont les animaux : les meutes de chiens qui sillonnent le désert, déboulent dans la ville, un vieux tigre fatigué et les loups.

L’histoire de tous ces chiens errants, qui traversent la ville ou se découpent en silhouettes au sommet des collines, véritables personnages du film rappelant, comme Hu Guan le dit, la part animale qui sommeille en chacun de nous : "Une animalité qui peut se manifester lorsqu’il nous faut faire preuve de courage ou défier l’autorité. Comme une sorte de nature primitive, mais que nous choisissons trop souvent de laisser endormie. Ce qui me paraît regrettable."

L’histoire de cette ville que nous découvrons avec Lang et qui est, comme une ville fantôme, à moitié écroulée, faite de ruines, de blocs de béton éparpillés, de vestiges d’un temps de richesse, de terrils ornés de belvédères, entrecoupés de décharges, gangrénée de hordes de motards et au beau milieu, un cirque abandonné avec un pauvre tigre, nourri à la bouillie.

Et enfin, dans ce univers surréaliste, voué à la disparition, c’est l’histoire de ces habitants et de leur survie avant que les bulldozers, au nom du progrès, viennent raser leur maison. C’est cette Chine là que Hu Guan a voulu peindre dans ce film, les laissés pour compte du développement : « Il y a forcément des gens qui ont été …. mis de côté au cours de ce processus. Je me suis demandé quelle force leur permet de continuer et de survivre. »

Hu Guan réussit, par une série de magnifiques plans larges à angles fixes, à nous faire « envelopper » par ces paysages de montagnes et de crêtes bleues grises, traversées de coulées jaunes de sable. Sa mise en scène dépouillée renforce l’impression de ce monde de décor et pourtant si tristement réaliste … le tout sur fond d’ouverture des Jeux olympiques.

(1) Lang est une référence à la divinité chinoise Erlang, représentée avec un chien élancé et mince à ses côtés

France Soubeyran