Déception
1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s)

BIUTIFUL

Alejandro Gonzalès Inarritu (Espagne/Mexique 2010)

Javier Bardem, Maricel Alvarez, Eduard Fernandez, Blanca Portillo

147 min.
23 février 2011
BIUTIFUL

Biutiful ou Piutiful ? Beau ou pitoyable ?

That’s the question.

Que sera amené à se poser tout spectateur face à ce déluge mélodramatique charriant, avec une balourdise qui étonne de la part d’un réalisateur que l’on a connu plus subtil, les sentiments et sensations les plus exacerbés.

Celui qui apprécie que les choses soient dessinées avec tact et pudeur risque d’être désarçonné, ensuit lassé et finalement écœuré par cette histoire qui mêle aux fils les plus noirs les chants les plus désespérés de la condition humaine.

Dans une Barcelone crépusculaire, un homme, Uxbal, apprend qu’il va mourir. Comment dira-t-il adieu à ses deux enfants ? Aura-t-il le temps de se mettre en ordre avec ses proches avant le grand saut vers un inconnu qu’il redoute parce qu’il y retrouvera un père avec lequel les comptes de la vie restent non réglés.

Est-ce parce qu’il est délesté de son scénariste habituel, Guillermo Arriaga, que le scénariste semble sans garde-fou. Sans mesure et dès lors sans crédibilité.

Comme déterminé avec la force de « Phèdre toute entière à sa proie attachée » à traquer ce que le Monde et les âmes ont de plus glauque, de plus sombre et de plus tourmenté avant de proposer à son personnage principal une planche de salut.

Celle d’une rédemption articulée autour des valeurs chrétiennes que sont l’amour, le pardon, la compassion.

On aurait aimé y croire. Hélas on peine à adhérer à ce regard monolithique posé sur une Catalogne infestée par la corruption et l’exploitation humaine, sur une destinée humaine vécue exclusivement comme un chemin de croix. 

Quant aux conversations qu’Uxbal entretient avec les morts elles ne font, à nos yeux, que renforcer le côté « toc » d’une mise en abyme d’intentions exagérément sulpiciennes.

Même porté par un acteur d’exception, Javier Bardem qui se donne corps et âme à son personnage faisant de sa prestation le seul miracle positif de ce film désespéré, « B(P ?)iutiful » ne convainc pas.

Mais étouffe par ses trop qui empêchent l’émotion de s’installer.

Trop de préméditations dénonciatrices d’une misère à la fois sociale, familiale et individuelle.

Trop d’obsessions morbides.

Trop peu de distance (*) entre une caméra voyeuriste et un personnage principal épinglé à ses drames avec la même impossibilité de s’en sortir qu’un papillon chloroformé sur sa planche d’exposition.

Même si en raison de ses excès, « B(P ?)iutiful » n’est pas notre tasse de thé, il convient néanmoins de souligner qu’il possède un attrait. Bien indépendant de sa volonté.

Il sort la même semaine que « The king’s speech » de Tom Hooper avec le grandissime Colin Firth.

Ces diffusions simultanées en salles de deux films transcendés par des acteurs d’exception - sans doute les meilleurs du VIIème art actuel - sont une opportunité à saisir pour comparer les composantes de leur talent.

Celui de l’un « so british » et celui de l’autre « so spanish » conforte l’idée que la véritable richesse du cinéma c’est sa diversité. (mca)

(*) contrairement au magnifique "Las Hurdes : tierra sin pan" de Bunuel dans lequel la vibration juste est suscitée par la prise de position volontairement en retrait du cinéaste.