Coup de coeur
2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s)

Coup de coeurBELLE EPINE

Rebecca Zlotowski (France 2010)

Léa Seydoux, Anaïs Demoustier, Marie Matheron, Johan Libéreau

80 min.
30 mars 2011
BELLE EPINE

Elle s’appelle Prudence.

Comme les héroïnes de Barbara Pym (*) avec lesquelles elle partage non seulement le côté fané, effacé du prénom mais aussi le destin de solitaire.

Mais à la différence de celles-ci largement quadragénaires, elle n’a que 17 ans et porte déjà sur ses épaules toute la douleur d’une jeune fille qui vient de perdre sa mère.

Rimbaud dans son poème « On n’est pas sérieux quand on a 17 ans » a-t-il dit vrai ?

Embarquée par une cinéaste (sur laquelle Pialat doit poser, là où il est, un oeil bienveillant) qui privilégie les tonalités automnales, les atmosphères nocturnes, les émotions sourdes et tues, Léa Seydoux - magnifique « Belle personne » (**) - insuffle à la jeune Prudence une sensibilité sauvage.

Faite de refus et d’attrait pour la mort. De désarroi et de rares moments d’abandon auxquels elle se livre avec une réticence qui touche et donne envie de la rassurer.

De lui dire qu’un deuil n’est pas fait pour être évité. Mais pour être vécu voire affronté.

Que chacun a sa façon d’y faire face. Et que les autres peuvent dans ce cas être des relais, même s’ils semblent parfois cruels, pour retrouver le chemin de l’envie de vivre.

A ce film tissé de noir, de bleu nuit et de beige doré, tiraillé entre sécheresse et lumière, correspond un jeu d’actrices - Anaïs Demoustier (***) est une bien intéressante donneuse de répliques - qui résonne fort parce qu’il tire le meilleur d’un alliage subtil entre brutalité et fragilité adolescentes.

« Belle… » possède un singulier attrait : il ne cherche pas à séduire. C’est pour cela sans doute qu’il émeut.

Il rappelle d’une façon tantôt revêche tantôt sensuelle que les cactus ne sont pas les seuls à posséder des épines.

La rose, la plus noble des fleurs, elle aussi en a.

Moins pour piquer que pour se protéger. (mca)

(*) « Jane et Prudence » de Barbara Pym édité en 10/18
(**) en référence à son rôle de la jeune Junie dans le téléfilm de Christophe Honoré, inspiré de « La Princesse de Clèves »
(***) déjà appréciée dans le « Grandes personnes » d’Anna Novion, "D’amour et d’eau fraîche" d’Isabelle Czajka