Anne Hathaway, Maggie Smith, James McAvoy, James Cromwell
La parti pris (*) est risqué : supposer à la plus célèbre et la plus chaste des écrivaines anglaises du début du XIXe siècle (avant de laisser la place aux soeurs Bronte) une aventure amoureuse passionnée et contrariée, nourricière de son œuvre à venir.
Le parti pris, même s’il ne convainc pas entièrement, est assumé avec un savoir-faire qui aurait gagné à se dégager des lois d’un classicisme empesé.
Nous sommes en 1795 dans la belle campagne anglaise du Hampshire, Jane Austen a 20 ans. Elle est courtisée par un riche héritier qu’elle n’aime pas. Elle tombe amoureuse d’un jeune avocat irlandais sans le sou.
Quand on connaît la subtilité d’écriture de Jane Austen, son art pour déchiffonner, avec esprit, les contradictoires tourments des cœurs en butte aux réalités matérielles, on est un peu désarçonné par un traitement aux traits forcés qui rappellent la tactique illustrative des narrations télévisées destinées au prime time.
Peut-être parce que le réalisateur, Julian Jarrold a gardé les tics (peu nuancés et sans réelle perspective) de langage et de grammaire du petit écran où il s’est illustré par ses adaptations de classiques littéraires - « The great expectations » de Charles Dickens, « Crime and punishment » de Fedor Dostoievski.
Peut-être parce que les acteurs ne sont pas à la hauteur des comédiens qui ont interprété les personnages imaginés par Jane Austen. Malgré son évidente bonne volonté à adopter l’accent anglais et sa capacité à éveiller la sympathie (plus que la considération), Anne Hathaway est comme une comète à la traîne des étoiles qu’ont été Kate Winslet et Emma Thompson dans « Sense and sensibility » d’Ang Lee ou Keira Knightley dans « Pride and prejudice » de Joe Wright.
Peut-être parce que l’académisme de la réalisation suscite chez le spectateur une rapide léthargie et une vigoureuse allergie aux scènes de campagne filmées avec une insistance qui, à force d’être tartinée comme « jam on bread », fait oublier qu’elle est une des plus belles du monde.
Pourquoi alors une camera ? Pour avoir rendu un hommage à Ann Radcliffe, cette initiatrice du roman gothique (**) qui fut une des premières écrivaines à vivre de sa plume. Pour l’excellent James Cromwell qui joue le père de Jane.
Et surtout pour Maggie Smith qui, depuis « The prime of Miss Jean Brodie » de Ronald Neame en 1969 jusqu’à son rôle de Minerva McGonagall dans la série des Harry Potter, incarne avec constance et distance le snobisme d’une inusable Angleterre. Elle est au 7ème art ce que Jane Austen est à la littérature romantique : unique. (m.c.a)
(*) S’il faut en croire un de ses biographes, Jon Spence dans son livre « Becoming Jane » paru en éditions Paperback
(**) "Les mystères d’Udolphe" paru en collection Folio Classique