Fantasque
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BE KIND REWIND

Michel Gondry (USA 2008 - distributeur : Kinepolis Film Distribution)

Melonie Daiz, Mia Farrow, Sigourney Weaver, Jack Black, Mos Def

101 min.
13 août 2008
BE KIND REWIND

Une vidéothèque qui sent la poussière, un quartier où le temps a cessé d’avancer, des hommes un peu farfelus qui se retrouvent dans ce lieu, partagent un commentaire sur un film, un souvenir commun, une amitié discrète mais fidèle. Voici l’univers du nouveau film de Michel Gondry.

Un univers un peu différent de ceux qu’il avait décrits dans ses précédents films. Même si on y retrouve les personnages marginaux et décalés qu’il affectionne, ces derniers sont cette fois plongés dans un lieu suranné, un espace particulier parce que déclassé, qui est à la fois le cadre de l’histoire et le territoire qui détermine les protagonistes. 

Un lieu empreint d’une certaine mélancolie. Parce qu’il suinte la fin. La fermeture de la vidéothèque. La démolition de la maison. La mort d’un petit monde qui disparaîtra avec les murs détruits. Pour faire place à la construction d’un nouvel immeuble, flambant neuf et impersonnel. .

C’est les derniers instants de cette atmosphère que Gondry porte à l’écran. Du coup, le film a une saveur particulière. Entre rire engendré par le comique des personnages, des situations dans lesquels ils se retrouvent et la tristesse d’assister à cette lente désintégration de cette petite portion de quartier.

Mélancolique aussi parce que le film parle de la mort de la VHS, remplacée par le DVD, qui à son tour sera remplacé par autre chose. Regard illuminé porté sur notre mode de fonctionnement, où l’on veut toujours mieux, toujours plus vite, toujours plus rentable. 

Toute l’intelligence de Gondry est de montrer ce basculement avec un humour décalé et simple. L’histoire qu’il conte émeut parce qu’elle a le même goût suranné que le lieu qu’elle capte. Une certaine lenteur nonchalante s’en dégage, tout comme une bonhommie inexplicable, propre à ces quartiers décentrés et délaissés, mais pas dépourvus de richesse intérieure pour autant.

Ses personnages sont une fois de plus attachants, touchants dans leur bizarrerie comme dans leurs émotions.

Et puis, ce qui plaît peut-être le plus, c’est l’esthétique de carton pâte que l’on retrouve à nouveau dans « Be Kind Rewind ». Ce style propre à Gondry, qui tient du collage, de l’exagération, du loufoque, du gentiment fou.

D’autant que ces choix esthétiques se justifient pleinement ici, puisque le thème même du film est de revisiter l’histoire populaire du cinéma en faisant les remakes des films qui ont marqué notre enfance, notre parcours.

Toute la logique de bricolage qu’affectionne Gondry prend alors un sens particulier au travers de la réappropriation par les personnages de ces morceaux de mythes cinématographiques. En refaisant les films cultes à la mode du rapiéçage, il porte un regard neuf sur le processus de création, création au sens large, du travail artistique au combat quotidien pour se créer une vie belle, qui vaille la peine d’être vécue. 

C’est donc dans un univers personnel, singulier que nous plonge à nouveau Gondry avec « Be Kind Rewind ». Une atmosphère de bouts de ficelles qui s’installe avec nonchalance et touche, parce qu’elle traite d’êtres qui essayent de s’en sortir avec les moyens dont ils disposent. Comme on le fait à peu près tous.

(Justine Gustin)