Coup de coeur
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Coup de coeurAZULOSCUROCASINEGRO

Daniel Sanchez Alvéro (Espagne 2006 - distributeur : Cinéart)

Quim Gutierrez, Marta Etura, Antonio de la Torre

105 min.
11 avril 2007
AZULOSCUROCASINEGRO

D’entrée de titre, le la est donné. Il sera chromatique et nuancé.
Ni tout à fait bleu ni tout à fait noir. Ni tout à fait clair ni tout à fait obscur.

Jorge ne veut pas devenir, comme son père, gardien d’immeuble. La vie en décidera autrement.
C’est dans cet intervalle entre ce que le héros souhaite faire et ce qu’il est contraint de faire pour subvenir aux besoins d’un père grabataire et d’un frère en prison, que git la richesse de ce film qui pulse de charme et d’esprit.

Si sa ligne directrice est droite - comment savoir qui l’on est et où l’on se situe dans le grand puzzle social de la vie madrilène - l’assemblage des points qui la composent est résolument buissonnier et révèle des surprises dont la douceur mixée à la brutalité n’est que le reflet des multiples facettes de l’existence.

A la fois poétique et réaliste, « Azul » est une moderne carte du tendre, jetant sur les sentiments qui animent les personnages un regard mi-bienveillant mi-loufoque.
Le film ne fait l’impasse sur aucune des relations qui peuvent unir deux êtres humains. Amitié, fraternité, paternité, maternité, amour et désir sont observés dans leurs fonctions de rapprochement ou de mise à distance de l’autre.

Sont, à ce sujet, particulièrement signifiantes les relations qui unissent les protagonistes masculins à leur père. Qu’il soit méprisé ou aimé, son rôle est fondateur dans la façon dont le fils nouera son rapport au monde.

Le réalisateur et son acteur principal, Quim Gutierrez ont reçu en 2006 les Goyas des meilleures révélations. Prix amplement mérités si l’on s’en réfère à la première partie de l’œuvre du peintre.
Celle qui célèbre la jeunesse, sa candeur et son énergie capable d’assimiler contradictions et difficultés parce que l’avenir est ouvert et porteur d’une virginité que l’on croit malléable.

« Azul » est une réponse, dont l’ironie ne cache pas le désenchantement, à la question posée par les philosophes français Eric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoilot dans leur essai « Philosophie des âges de la vie » (*) : Quand l’avenir n’est plus radieux et quand la génération précédente n’est plus un modèle, comment devenir adulte ? 

Il y a dans ce premier long métrage d’un réalisateur qui compte déjà une trentaine de courts métrages à son actif, un petit quelque chose de ce jeune cinéaste belge, Joachim Lafosse. Celui-ci a posé, en exergue à son « Nue propriété », les mots suivants : « à nos limites » . Sanchez Arévalo suggère que Jorge trouvera sa place dans le monde quand il reconnaîtra et acceptera les siennes.

Façon pour ces deux réalisateurs prometteurs de marquer une rupture avec ce qui constitue l’ossature du cinéma de simple divertissement qui oscille, sans équilibre, entre la soumission ou l’exaltation de la norme. (m.c.a)  

(*) édité chez Grasset