Julie Christie, Gordon Pinsent, Olympia Dukakis, Michael Murphy
Sarah Polley, on l’aime. Actrice sensible, elle nous a étonnés dans « The sweet hereafter » d’Atom Egoyan et bouleversés dans « The secret life of words » d’Isabel Coixet. On a pour elle toutes les indulgences.
Fiona et Grant sont mariés depuis 50 ans. Ils mènent une vie calme et heureuse que la maladie d’Alzheimer de Fiona va remettre profondément en question.
Pour son premier film en tant que réalisatrice, Sarah Polley s’est inspirée d’un court roman d’Alice Munro (*) sur le temps qui passe et transforme les êtres, les relations qu’ils entretiennent, et les sentiments qu’ils se portent.
« Away from her » est comme un mille-feuilles. Il aborde, et c’est peut-être son défaut principal à imputer vraisemblablement à l’impétuosité de la jeunesse - Sarah Polley a 27 ans -, beaucoup de thèmes sans pouvoir les développer tous. Ce qui laisse parfois une impression d’inachèvement.
Si la réalisatrice étreint superficiellement à force de vouloir tout embrasser - la culpabilité, le découragement, l’espoir, le dégoût que suscite chez les proches l’Alzheimer de l’être aimé - elle le fait avec une douceur et une mélancolie qui se doublent d’un sens aiguisé de l’observation aux petites choses de la vie.
C’est avec grande intuition de ce qu’est la pondération émotionnelle qu’elle prévient le débordement empathique par un constant rééquilibrage des rapports humains. Ainsi, au désarroi des parents répond la compassion distanciée d’une infirmière et la nécessaire froideur d’une directrice qui a la responsabilité de répartir les malades, par étages, en fonction de l’aggravation de leur état.
Pourquoi, alors malgré ces qualités le film laisse-t-il l’impression de manquer de quelque chose pour être tout à fait crédible ?
Est-ce dû à la prestation de Julie Christie qui ne veut pas lâcher le diktat du « être belle quelles que soient les circonstances (**) », à celle de Gordon Pinsent qui agace par ses ressemblances accentuées avec Erland Josephson, un des acteurs bergmaniens les plus emblématiques (***) ?
Est-ce dû à la redondance de certaines idées, comme celle de longs plans sur une neige immaculée censée renvoyer à une mémoire qui se vide de ses souvenirs ?
Ou à l’invraisemblable liaison entre Grant et Marian (Olympia Dukakis) en double miroir de celle qui s’ébauche, dans la maison de soins, entre Fiona et l’époux de Marian, Aubrey ?
Reste la bonne idée de restituer à la littérature une de ses puissances : espérer que la lecture, comme dans « The Notebook » de Nick Cassavetes, ravive la mémoire d’un ressenti, d’un moment de bonheur partagé. (m.c.a)
(*) en français « Loin d’elle » paru en poche en collection « Rivages ».
(**) On ne peut s’empêcher de comparer cette contention au lâcher prise d’une Judi Dench qui, dans « Iris » de Richard Eyre accompagnait son personnage jusque dans et y compris la déchéance physique inexorable de l’Alzheimer.
(***) « Cris et chuchotements » « Face à face » etc…