Un must
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BURNING PLAIN

GUILLERMO ARRIAGA ( USA - distributeur : Cineart)

Charlize Theron, Kim Basinger, Jennifer Lawrence, Joaquim De Almeida

111 min.
18 mars 2009
BURNING PLAIN

La linéarité n’est pas une chose évidente. Raconter une histoire est pour Guillermo Arriaga un processus qui ne se traduit pas forcément par une ligne droite, une corde tirée de A jusque Z. Au contraire, emmener dans un récit signifie pour le cinéaste engloutir le spectateur dans une foule d’images de natures et de temporalités diverses, pour lui permettre non pas de suivre, mais de ressentir.

C’est selon la mécanique du souvenir que Guillermo Arriaga fonctionne. Un engrenage qui s’actionne non pas suivant la chronologie, mais selon le rythme des moments épars qui remontent à la surface de la mémoire, au fil d’une logique aussi aléatoire qu’émotive.

De là naît la caractéristique essentielle du œuvre d’Arriaga, celle que l’on trouvait déjà dans son travail de scénariste pour Alessandro Inarritu[1] ou pour Tommy Lee Jones[2] et qui explose littéralement dans « Burning Plain » : la fragmentation.

Un éclatement tant spatial que temporel vient informer son travail, offrant cet aspect si étrange au départ, pour peu à peu devenir une sorte de parcours fléché, un puzzle épars que l’on prend plaisir à assembler petit à petit. Lentement, on comprend que plusieurs lieux et diverses époques sont mis en présence, et que ces différentes dimensions sont liées les unes aux autres par le lien de la descendance.

Ainsi, les personnages que l’on rencontre à l’écran résonnent les unes dans les autres, se font les miroirs, les reflets d’un autre qui n’est plus. Ils s’éclairent mutuellement, et soudain, le comportement des uns devient limpide, tandis que l’état d’âme des autres s’explique subitement. La valeur de chaque image ne se définit dès lors plus par elle-même, mais aussi par le lien qu’elle crée avec celles qui la précèdent et celles qui la suivent. La juxtaposition se fait explicative, sans pour autant sombrer dans le didactisme.

L’important est de saisir à quel point la vie selon Arrriaga n’est pas un trajet linéaire, mais un labyrinthe tortueux, sans cesse ramené à des instants cruciaux, des faits déterminants qui nous poursuivent malgré nous. Le sens de l’existence n’est donc plus à chercher dans la progression, mais dans un éternel retour digne de Nietzsche. Le besoin incessant, de revenir sans cesse à soi et à ses expériences passées pour enfin parvenir à les comprendre et à les dépasser.

Pour servir cette forme narrative complexe, Guillermo Arriaga a l’intelligence de faire appel à deux chef opérateurs différents qui ont chacun tourner une des deux époques du film, la première située dans le désert mexicain, la seconde sur la cote nord-ouest des Etats Unis. En apportant chacun leur cachet et leur teinte à ces espaces, ces deux chef opérateurs permettent de mieux appréhender le récit, et donnent des clés de lecture éclairantes.

Autre repère de choix, les acteurs qui peuplent « Burning Plain », avec en tête Charlize Theron, toujours aussi poignante et émouvante dans son jeu. Chacun à leur manière, et avec leur justesse propre, ils donnent une profondeur essentielle au film, sans jamais sombrer dans l’excès.

« Burning Plain » aurait pu être un simple drame. Une tragédie familiale dans une veine classique et commune. Mais l’inventivité d’Arriaga, ainsi que sa clairvoyance à choisir ses acteurs, en font un film fort et direct, qui vient chercher le spectateur aux creux des tripes et ne le lâche qu’une fois qu’il est parvenu à dénouer les rancœurs et les jugements. Un film d’une étonnante beauté. (Justine Gustin)

[1] « Amores Perros », « 21 Grams » et « Babel »
[2] « Trois enterrements"