Comedie aigre-douce
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LOUISE MICHEL

Benoît Delépine et Gustave Kervern ( France - distribution : Les Films de l'Elysée)

Yolande Moreau, Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde, Philippe Katerine, Mathieu Kassovitz

90 min.
24 décembre 2008
LOUISE MICHEL

La mine patibulaire de Yolande Moreau, se trainant plus que ne marchant, les épaules voutées, la tête enfoncée dans les épaules, des cheveux filasses encadrant son visage morose. A ses côtés, la face à la fois hagarde et réjouie de Bouli Lanners, la démarche saccadée, le bedon en avant, plus pressé par sa couardise que par le temps qui passe. Voici le portrait du duo de héros du nouveau film de Benoît Delépine et Gustave Kervern. Un couple de doux inadaptés que la vie fait se rencontrer. Deux perdus, deux marginaux, deux solitaires. Louise et Michel.

C’est toute une ambiance, tout un climat que créent les deux réalisateurs avec ce nouvel opus, à l’instar de ce qu’ils avaient déjà fait pour leurs deux réalisations précédentes[1]. L’univers de petites gens délaissés sans être dépités pour autant. Des êtres manipulés par un système qui les dépasse, une grosse machine qui les écrase de tout son poids. Mais qui ne parvient pas pour autant à les anéantir. Car ces derniers ont du répondant, ils ne se laissent pas démonter, et trouvent le moyen de se venger. Une vengeance simple et terriblement efficace : l’assassinat du patron véreux qui les a licenciés.

On le comprend, il n’est donc pas question ici de réaliser la biographie de Louise Michel, anarchiste célèbre. Mais c’est bien dans une filiation d’esprit avec cette grande dame que l’on se trouve avec ce nouvel opus de Kervern et Delépine. Un esprit d’action, de rébellion, de refus de passivité face à une société qui exploite puis jette comme un vulgaire déchet. Une volonté de lutte contre l’injustice, déployée à tort et à travers.

Par ce que l’on se trouve bien avec « Louise-Michel » dans une logique de l’excès. Une politique de comédie de l’absurde et du second degré, poussé à son extrême. De ce point de départ simple et concret, les réalisateurs tissent un récit décalé et loufoque, teinté d’un cynisme et d’une ironie acerbe. C’est là leur marque de fabrique, celle qu’ils distillaient déjà dans Groland Sat, le goût de la limite du mauvais goût. Le flirt incessant avec la frontière, l’humour noir sur le fil du sordide, le rire qui vient du gouffre, du sale, du laid, du repoussant, de tout ce qui nous rend humains au sens organique du mot, ces aspects que l’on répugne mais dont on ne peut se débarrasser.

Kervern et Delépine se jouent des hypocrites. Ils sont froids, crus et saumâtres. Ils sont durs et parfois même à la lisière du choquant. Organisant leur film autour de situations loufoques et de dialogues décalés, ils créent un film totalement à part, à l’humour impalpable.

Revenant vers une narration plus suivie, plus classique que ce n’était le cas de leur précédente réalisation, « Avida », le film n’en devient pas pour autant plus gentil, plus politiquement correct. Bien au contraire. Les réalisateurs continuent sur leur lancée, avec pour maître mot l’humour noir.

Cette intégrité en termes d’œuvre est plus que remarquable, mais elle pose aussi question. Parce qu’elle est dérangeante. Cet esprit de l’acerbe, ce goût du glauque, Delépine et Kervern le cultivent avec tant d’assiduité que cela en devient parfois déroutant. On ne sait plus à qui ce film s’adresse. S’il est destiné au grand public, ou à une minorité de spectateurs déjantés qui y verront un chef d’œuvre hors norme et dont ils apprendront les répliques par cœur après dix visions consécutives. (Justine Gustin)

 
[1] « Aaltra » et « Avida ».