RUMBA

La rumba est une danse sensuelle et charnelle. Une danse qui se pratique à deux, dans l’étroitesse chaude de deux corps qui s’enlacent, se séparent et se retrouvent aussi vite. Le nouveau film du trio Gordon, Abel et Romy décrit le même type de mouvement : un couple s’aime. Il se perd. Pour mieux se retrouver.

Une intrigue simple donc pour un film qui n’est pas pour autant simpliste, bien au contraire. Car ce schéma narratif clair et droit permet aux trois réalisateurs de créer un film atypique où se déploie librement leur univers loufoque.

Un univers qui tient du burlesque. Qui s’appuie sur le langage du corps pour susciter le rire. Un rire décalé, qui ne joue ni de la satire, ni de la parodie, mais qui part des personnages mêmes, et de leur capacité d’autodérision.

Un humour proche de celui que pratique Buster Keaton, lorsque ce dernier utilise son propre corps comme support du rire. Abel et Gordon (1) se mettent dans toutes sortes de situations improbables, où leurs corps sont mis à profit, déformés, manipulés, de telle manière que le rire part de leurs mouvements. De leurs pas de danse extravagants comme de leur marche entravée sur le chemin de leur couple.

Un univers qui n’est pas non plus sans rappeler celui de Tati, en ce qu’il s’inscrit dans une certaine naïveté de jeu. Une innocence manifeste et cultivée, qui joue de la logique de trucs et de bricolages, qui privilégie les acteurs non professionnels, qui revendique une logique ingénue dans le bon sens du terme.

Car il ne s’agit pas, en effet, dans « Rumba » de réaliser un récit qui surprend, mais bien d’engendrer la surprise par la manière de raconter. Les réalisateurs créent un langage cinématographique singulier se basant sur des choix filmiques forts : fixité de cadre, plan large, plan séquence.

Ce cadre stylistique atypique et radical est le cadre indispensable à leur démarche artistique, en lien avec leur passé théâtral. Cet espace relativement figé s’anime de l’intérieur, par des chorégraphies dégingandées, des situations saugrenues, des couleurs primaires éclatantes.

De ces choix narratifs et filmiques originaux découle un film jouissif, parce que hors des sentiers battus tout en étant terriblement ludique.

Une interview en rythme des réalisateurs-acteurs est à la disposition des plus curieux d’entre vous sur ce site. (Justine Gustin)

(1) Qui à la fois réalisent et jouent les deux héros de « Rumba »