GUERNSEY

Il y a des films qui questionnent et des films qui mettent en scène des personnages qui se questionnent. Guernsey appartient à cette deuxième catégorie.

Anna (une superbe Maria Kraakman) est une spécialiste en irrigation.
Lors d’un de ses déplacements professionnels en Egypte, elle découvre le corps pendu d’une de ses collègues.

Anna, bouleversée par la mort de cette jeune femme qui, comme elle, semblait heureuse dans sa vie d’épouse et de mère, se met à examiner, avec une acuité dont elle était jusque là dépourvue, sa vie de famille.

Elle y découvre des secrets amers et une tristesse insoupçonnée.

En fait Anna est en double deuil, celui de sa collègue morte et celui de sa propre innocence.

Elle les vivra avec fragilité et douce détermination. Elle sortira subtilement mûrie d’une quête (et non de cette enquête) menée pour savoir ce qu’elle est pour ses proches et ce que ceux-ci sont pour elle.

Devenue consciente que les objets comme les gens et le sentiment qu’on leur porte ne sont pas soustraits à l’usure, elle saisira (plus qu’elle ne comprendra) que cette entropie, consubstantielle à l’ existence, ne griffe en rien la valeur de ce que l’on vit.

Film sobre, intelligent, quasi téléologique, « Guernsey » est une réflexion sur la lente et mélancolique évolution d’une jeune femme qui, à l’aube de ses trente ans, renoncera au fantasme d’un amour sans bavure pour une relation maritale plus ancrée dans le réel.

La réalisation cristalline et pure fait écho aux haïkus, ces courts poèmes japonais, qui captent avec peu de mots (en fait 19 syllabes) ce que la vie a d’éphémère et de tenace. (m.c.a)