Docu-reportage
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CALLE SANTA FEE

Carmen Castillo (Belgique/France/Chili - distributeur : Cinéart)
163 min.
4 juin 2008
CALLE SANTA FEE

Quand la vie d’une jeune femme croise l’Histoire d’un pays, parce qu’elle est la compagne d’un opposant au régime mis en place par Pinochet après l’élimination de Salvador Allende, c’est l’occasion de retracer quelques années (1970-1974) d’une période fondamentale pour le Chili.

C’est par la voie de deux retours, à la fois sur elle-même et dans son pays natal, que Carmen Castillo s’attache à retracer, après de nombreuses années d’exil, une époque de turbulence faites d’espoir et d’impuissance.

A travers ses propres souvenirs, ceux de militants, clandestins ou rapatriés qui ont survécu au régime dictatorial mis en place, elle évoque avec une émotion toujours palpable son propre parcours qui rejoint, dans sa part de hasard, tant d’autres itinéraires de résistants.

Lorsque l’armée et les services secrets conduisent l’assaut contre la maison dans laquelle se cache Miguel Enriquez, son compagnon et une des têtes du mouvement de la gauche chilienne révolutionnaire, Carmen Castillo est enceinte. Elle assiste à son assassinat, perd son enfant et quoique gravement blessée, survit et est expulsée vers Paris.

Si le documentaire se révèle, en ses débuts, passionnant, l’application (l’obstination ?) avec laquelle la réalisatrice l’enferme dans un travail de mémoire un peu trop narcissique peut dérouter.

Et éloigner l’attention du spectateur des questions essentielles qu’il aborde parce qu’elles sont engluées dans un fatras de considérations intimes donnant à penser que Carmen Castillo souhaite privilégier une recherche de pans de vie quotidienne que la junte lui a volées au détriment d’une envie d’analyser plus globalement une situation.

Si l’on arrive à faire abstraction du lancinant questionnement sur le bien-fondé de sa démarche ou à se dire qu’il ressort de la partie thérapeutique propre à toute revisitation du passé, « Calle … » devient une approche intéressante des liens qui unissent la mort d’un homme et celle d’un régime.

Avec en toile de fond des interrogations qui touchent à la notion même de la vie et son sens.

Faut-il rester coûte que coûte fidèle à ses idéaux ? Ceux-ci méritent-ils qu’on leur sacrifie son existence et celle de ses proches ?

Lors de ses déambulations dans une ville qu’elle peine parfois à reconnaître, dans ses contacts avec la population d’aujourd’hui, consciente de son passé mais soucieuse de ne pas y voir un frein à une démocratie balbutiante, la cinéaste tente de donner à ses évocations une résonnance individuelle et distanciée.

Si elle se souvient, c’est autant pour revivre que pour en terminer avec ce qui a été.

Elle ne le fait pas sur le mode égrenant et lapidaire de Georges Perec (*), mais par des commentaires dont la voix off, la sienne, ourle les souvenirs d’une volonté de les voir, en devenant « l’esquisse d’une histoire et d’une mémoire collectives », perdre de leur personnelle violence émotive. (m.c.a)

(*) « Je me souviens » édité chez Hachette