Thriller
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BOARDING GATE

Olivier Assayas (France 2007 - distributeur : Victory Films)

Asia Argento, Kelly Lin, Michael Madsen, Karl Ng

103 min.
4 juin 2008
BOARDING GATE

Qu’a cherché à faire Olivier Assayas avec ce nouveau film ? On le connaît réalisateur éclectique, autant admiratif du cinéma asiatique [1], nostalgique de la nouvelle vague [2] que préoccupé de l’histoire artistique de son propre pays [3].

Mais on a, de prime abord, du mal à comprendre ce qu’il veut dire avec « Boarding Gate ». Histoire de Sandra, jeune femme évoluant dans un milieu plus que louche, qui tente désespérément de se sortir de sa vie à l’allure d’impasse en réglant ses comptes avec son ancien amant tout en dessinant une aventure nouvelle avec un autre homme.

Si le début du film se caractérise par une série de mouvements caméra circulaires et envoûtants, rapidement, l’image se fixe et l’action ne s’inscrit plus qu’au travers des dialogues.

Longues conversations entre les protagonistes qui nous livrent ainsi leur passé commun, lentes descriptions des fantasmes des différents personnages, discussions lancinantes entre des êtres qui tentent d’exprimer les sentiments qui les unissent, si « Boarding Gate » se pose comme un thriller, il est au final un film dialogique, où les mots ont plus de place que les actions.

Cette abondance de paroles vient du parti pris du réalisateur de tourner dans une optique de série B. Fatigué d’attendre des fonds qui n’arrivent pas pour réaliser un film ancré sur le sol de la France, Assayas choisit de tourner un film international à petit budget, bouclé en six semaines de tournage, rapide et efficace.

Le peu d’argent investi dans ce film engendre cette teinte lancinante propre aux films de ce genre où le dialogue supplée l’image, où l’action se fait contée et pas visualisée.

Du coup, les rares instants d’action semblent déplacés, empreints d’une nostalgie inexplicable ; les étreintes entre Sandra et son ancien amant ont le goût de la poussière de ces vieilles choses que l’on a remisées dans une armoire, peu de sensualité sourde de leurs enlacements. Il n’y a que tension dans ces gestes posés, chorégraphie vide de sens.

Lorsque Sandra rencontre son nouvel amour, les actes portés ont une valeur autre. Il semble qu’une certaine affection émane de la rencontre de ces deux êtres. Pourtant, rapidement, l’homme s’en va, abandonnant Sandra seule dans le lit défait. Sandra qui se bat contre les hommes qui peuplent sa vie, Sandra qui se bat avec les mots qu’elle échange avec ceux qui l’entourent, Sandra qui se bat contre elle-même.

Car si le film en soi n’est finalement que peu intéressant, le parcours de Sandra, lui, mérite l’attention. Incarnée par Asia Argento, Sandra est le personnage clé du film, le point central, l’axe déterminant. Dès qu’elle apparaît à l’écran, on n’a plus d’yeux que pour elle. Pour cette femme qui se cherche, entre passion amoureuse passée destructrice et amour plus apaisé en devenir.

Sandra ne semble exister qu’au travers des hommes qu’elle rencontre, et qui, invariablement, se servent d’elle. Néanmoins, on ne sait jamais si elle est manipulée ou si c’est elle qui manipule. Et c’est là tout l’attrait de « Boarding Gate ».

Son personnage principal est sans cesse à la frontière, elle se pose en équilibriste face à ces hommes dont elle a besoin mais dont elle sait aussi se jouer. Si elle devra passer par un acte extrême pour parvenir à se détacher de son amant ancien, son trajet de Paris à Hong-Kong l’amènera à envisager différemment l’homme qu’elle aime désormais et qui s’est joué d’elle.

Elle dépassera l’acte violent pour se découvrir elle, dans sa solitude et dans son intégrité. C’est peut-être l’histoire que tente de nous raconter « Boarding Gate », le parcours initiatique d’une femme sous influence qui va peu à peu apprendre à exister par et pour elle-même.

Magnifiquement interprété par Asia Argento qui semble vivre plutôt qu’incarner ce personnage, Sandra parvient (presque) à nous faire oublier les lacunes de cette réalisation.

Ce thriller lent semble en dernier recours n’être qu’un prétexte pour suivre le parcours de cette femme meurtrie qui renaît lentement.

(Justine Gustin)

[1] Notamment dans « Demonlover » (2002).
[2] « Irma Vep » fait clairement référence aux caractéristiques propres à la Nouvelle Vague
]3] Son prochain film, « L’heure d’été » est un des projets lancés pour les vingt ans du Musée d’Orsay. On trouve dans ce film une série d’œuvres d’art prêtées par le musée.