Drame historique
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ELISABETH : THE GOLDEN AGE

Shekhar Kapur (GB 2007 - distributeur Upi)

Cate Blanchett, Samantha Morton, Geoffrey Rush, Clive Owen

114 min.
12 décembre 2007
ELISABETH : THE GOLDEN AGE

Après Bette Davis, Glenda Jackson, Helen Mirren (*) qui mieux que Cate Blanchett - Tilda Swinton peut-être ? - pouvait donner de la Reine Elisabeth d’Angleterre (1533-1603) un portrait sinon subtilement du moins baroquement dessiné ?

Dix ans après un premier film consacré à l’accession au trône en 1558 d’Elisabeth, Shekhar Kapur revisite son sujet avec la même fougue et le même manque de recul critique dans le regard porté sur une reine saisie à un moment crucial de son règne.

Elle doit à la fois faire face à une Espagne fanatisée qui souhaite éradiquer l’Europe de ses non catholiques et à une Marie Stuart qui de sa prison écossaise de Loch Leven continue à comploter pour retrouver une couronne dont elle s’estime illégitimement spoliée.

Shekhar Kapur n’est pas un historien mais un illustrateur de l’Histoire. Illustrateur académique et de parti pris - ses films frisent la courtisanerie - mais qui, grâce à son interprète, a pu capter la personnalité impérieuse et énigmatique d’une souveraine chez qui esprit et féminité se conjuguent de façon déconcertante.

Tantôt enjôleuse tantôt virago, lorsqu’elle rencontre Walter Raleigh (un Clive Owen bien fat et fadasse) et en tombe amoureuse, elle le pousse, incapable de sortir de sa frigidité, dans les bras de sa dame de compagnie et pupille dont le prénom Bess est un miroir de son surnom royal « Queen Bess ». Dans une interview reprise par Dominique Borde dans les pages cinéma du journal Figaro du 12 décembre 2007, Cate Blanchette reconnaît " que cette relation triangulaire m’a passionnée, et je l’ai lue comme une rêverie shakespearienne. Avec Raleigh, Elisabeth est un peu comme Prospero envoyant Ariel et agissant à travers lui."

Si Kapur patine dans ses raccourcis historiques, déçoit par le chiche de ses reconstitutions de bataille navale et assomme par une musique indigeste et pesante, il faut lui reconnaître un talent, inspiré sans doute par sa filiation « bollywoodienne » à rendre le faste avec grandeur et couleur. Aidé par une costumière - dont le sens du beau et du fluide est proche du travail d’un Christian Lacroix - Alexandra Byrne (**).

Son somptueux travail sur les tissus, matières et formes réussissent à donner à la Reine la sensualité qu’elle se refuse et à souligner la majesté de ses décisions assumées parfois contre sa conscience mais toujours au nom de la raison d’Etat.

S’il est permis d’être réservé sur les comparaisons suggérées entre le fanatisme du Roi d’Espagne, Philippe II et le jusqu’au-boutisme de certains islamistes, on ne l’est plus du tout lorsque le cinéaste rend hommage à l’intelligence et au courage d’une femme capable de diriger un Royaume à une époque où la gestion du monde était essentiellemet (exclusivemet ?) une affaire d’hommes.

« Elisabeth… » trouve en Cate Blanchett une porte-parole grandiose. Capable de rendre la complexité d’une femme tiraillée entre coquetterie et orgueil, entre humanisme et violence, entre solitude et sentiments.

Prouvant ainsi qu’à côté des reines en monarchie, il y a des reines en cinématographie. (m.c.a)

(*) respectivement mises en scène par Henry Koster (1955), Charles Jarrott (1972), Tom Hooper (pour la télévision en 2005)

(**) Elle a travaillé avec Kenneth Branagh sur "Hamlet" en 1996