Chronique dramatique
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CRONICA DE UNA FUGA

Israel Adrian Caetano (Argentine 2006 - distributeur : A-film Distribution)

Rodrigo de la Serna, Nazareno Casera, Pablo Echarri

102 min.
13 juin 2007
CRONICA DE UNA FUGA

La torture, cette verrue qui entache l’humanité de l’homme, est au cœur de ce film inspiré par le livre de Claudio Tamburrini qui raconte ses cent vingt jours d’ incarcération, à Buenos Aires en 1977, dans un centre clandestin de détention, la « Maison Seré ».

Prison sans foi ni règles, dans laquelle des jeunes hommes, arrêtés sans raison, sont confrontés à la lancinante et quotidienne épreuve de leur survie, la « Maison Séré » est un condensé des conséquences hors-la-loi du renversement, suite à un coup d’Etat militaire, du régime d’Isabel Peron.

La bonne idée du film est de vouloir porter témoignage d’une période au cours de laquelle les exécutions sommaires, les sévices et les enlèvements étaient monnaie courante.

La moins bonne idée du film est de le faire en recourant à un parti pris technique (caméra à l’épaule, images contrastées, couleurs non saturées) et à une mise en scène souvent proche du gore qui enlèvent au film son cachet d’authenticité historique pour en faire un film de genre.

La facture de « Chronica… » fait parfois penser à celle d’« Hostel » alors que le propos de Tamburrini, comme celui d’Henri Alleg , dans son court et bouleversant livre " La question " (*), soulève avant tout l’horreur d’une mécanique mise au point par un pouvoir en place sans se complaire dans une expressivité déplacée des atrocités commises.

Trop de visuel tue le réel d’une reconstitution et y substitue un sentiment d’obscénité qui aboutit à l’inverse de ce qui est recherché : au lieu de porter accusation on se voit accusé de vouloir en faire trop.

S’il est vrai qu’une sobriété des mouvements de caméra aurait aidé à rendre plus implacable la démonstration, il convient quand même de souligner que Caetano a le mérite d’avoir été un des premiers à soulever ce qui fut longtemps un sujet tabou dans les films argentins (**) qui se déroulent à l’époque de la dictature : la délation.

Raison pour laquelle sans doute, lorsque Claudio Tamburrini et Guillermo Fernandez, les doubles « en vrai » des acteurs de la Serna et Casero, montèrent les marches du Palais à Cannes lorsque le film fut présenté dans le cadre de la compétition officielle 2006, ils furent applaudis pour leur courage et leur résistance à ne pas céder aux pressions maléfiques d’une dictature latino- américaine, dont aujourd’hui encore, la plupart des responsables sont en liberté. (m.c.a)

(*) mis drastiquement en scène par Laurent Heynemann,
(**) la situation n’est pas différente en France lorsqu’il s’agit d’évoquer la notion de la collaboration durant la 2ème guerre mondiale « L’armée des ombres » de Jean-Pierre Melville, « Lacombe Lucien » de Louis Malle.