Autour d’un livre
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UNE VIEILLE MAÎTRESSE

Catherine Breillat (France 2007 - distributeur : A-film Distribution)

Asia Argento, Roxanne Mesquida, Fu’ad Aît Aattou

110 min.
7 juin 2007
UNE VIEILLE MAÎTRESSE

"Une vieille maîtresse" ou le vertige insondable du désir qui unit, d’un pacte mystérieux et intime, au-delà des convenances et autres bienséances, un jeune homme et son amante depuis dix ans.

Après avoir été la scénariste de ses propres films, Catherine Breillat décide de s’inspirer de l’oeuvre d’un autre. En réussissant l’audacieuse gageure de ne pas se trahir et de ne pas trahir son écrivain-muse, Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889).

Restant fidèle, dans son adaptation, à ce qui fait de son cinéma un univers reconnaissable entre tous par ses écartèlements entre impudeur et pureté et moins en rupture avec ses opus précédents que ne le laisserait croire une attention dispersée, "Une vieille maîtresse" est un resserrement autour d’un thème qui a toujours hanté la cinéaste : la dialectique entre un corps amoureux et un esprit qui est (se veut ou se voudrait) libre.

Ryno de Marigny, un jeune libertin, s’éprend d’Hermangarde de Polastron. Elle est belle et pure. Pour l’épouser, le jeune homme se range aux exigences de son milieu et rompt avec La Vellini, sa maîtresse. "La plus capiteuse muchada qui ait jamais renvoyé au soleil son regard de feu".

C’est dans l’opposition entre ces deux attirances que gît la matière brut(al)e d’une histoire qui parle d’une fascination qui, pour reprendre les mots d’Aurevilly, " n’est ni dans les corps, ni dans les coeurs, qui est partout et nulle part" .

Porté par une langue française au plus près d’une perfection académique qui contraste avec l’excès et les brûlures des sentiments humains, "Une vieille maîtresse" a le goût de ces parfums/poisons qui scellent la moiteur vitale de l’amour physique. Cette passion incompréhensible de ceux qu’elle exclut, transgressive de toutes les traditions, nourrie essentiellement des reins et des âmes de ceux qu’elle a envoûtés.

Breillat a choisi, pour apporter une juste vibrance à leurs personnages, trois acteurs magnifiques et magnifiquement dirigés. Roxanne Mesquida rappelle, par sa beauté embarrassée et timide, l’idée défendue, depuis toujours par la réalisatrice, de la malédiction (*) de l’innocence sexuelle. Fu’ad Aït Aattou incarne, avec une androgyne ambiguïté, l’autre finalité absolue du sexe : son pouvoir autodestructeur.

Quant à Asia Argento, elle donne, par ses fulgurances entre sensualité et arrogance, au désir féminin ce chaos et cette violence qui font oublier que la Vellini n’est même pas belle.

Peu importe que le film mette du temps à imposer sa logique, que certaines interprétations secondaires (Yolande Moreau et Claude Sarraute) soient particulièrement godiches, il frappe juste et ardemment au centre d’un des plus irréfragables mystères humains : celui de l’attirance pour l’autre. (m.c.a)

(*) "Une vraie jeune fille", "A ma soeur".