Drame sentimental
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CA BRÛLE

Claire Simon (France 2006 - distributeur : Le P'tit Ciné/Arenberg)

Camille Varenne, Glibert Melki

111 min.
18 avril 2007
CA BRÛLE

Il ne faut pas avoir l’âge de Phèdre pour « être tout entière à sa proie attachée ». 

C’est le début des vacances dans une petite ville du Sud de la France. Des garçons qui s’ennuient taquinent des filles, elles aussi désœuvrées. Parmi celles-ci, Livia, une jeune fille de 15 ans tombe éperdument amoureuse de Jean, un pompier quadragénaire et père de famille.

Sur cette trame plutôt convenue, Claire Simon va, tantôt aux points de croix, tantôt aux points fouettés, tisser un ouvrage dérangeant à mille lieues d’une psychologie de bazar ou d’un regard sociologique sur la puberté.

« Ca brûle » trace, au sens premier du terme, la puissance des feux, qu’ils soient ceux de la passion adolescente ou d’une garrigue qui s’enflammera en proportion de la violente amertume avec laquelle Livia reçoit, de la part de Jean, une silencieuse fin de non recevoir à ses avances plus charnelles qu’amoureuses.

« Ca brûle » est un film puissamment sensoriel. Chaque instant semble ruisseler de l’implacable chaleur de l’arrière-pays varois et de la torpeur de ce Sud qui suscite autant d’inertie que de bien-être et de langueur érotique.

Au propre comme au figuré, ce film opère sur un mode ardent que l’on n’attendait pas d’une cinéaste jusqu’ici connue pour des documentaires rigoureux (« Récréations ») ou monotones (« Coûte que coûte »).

La musique organique de Martin Wheeler donne aux errances, notamment hippiques (*), de Livia une force et une impression de solitude impressionnantes. Elle n’encombre pas la scène, elle sait se taire et laisser aux bruits de la vie quotidienne (cigales, sabots de chevaux, le souffle de vent dans les arbres…) leur poids de réel qui contraste avec les fantasmes de l’adolescente.

« Ca brûle » a l’étrange pouvoir de rendre palpable l’irréductible changement hormonal qui provoque, à l’aube de la majorité sexuelle, chambardement et montée de désirs provocateurs. Le film, parce qu’il est resserré sur quelques heures, a une violence intrinsèque encore accrue par un cadrage corseté qui embrasse et embrase Livia. Et dans son sillage le spectateur.

Le seul, et il en a du mérite même s’il n’en sera pas récompensé, à offrir une apparence de calme et de contrôle face à ce charivari de pulsions, est Gilbert Melki dont le corps rassurant et compact apporte à son rôle de pompier une confondante présence.

La jeune Camille Varenne est étonnante. Altière Lady Godiva lorsqu’elle parcourt les rues de son village, petite cousine maladroite et boudeuse de la jeune Anaïs de « A ma sœur » de Catherine Breillat, elle consume la pellicule de la grâce encombrante d’une féminité dont elle découvre à la fois les atouts et les tourments. (m.c.a)

Depuis ce samedi 21 avril, l’émission "Première séance" de la RTBF consacre, à la réalisatrice un récit en quatre épisodes. Une rétrospective de ses documentaires est organisée du 2 au 4 mai par le P’tit Ciné au Musée du Cinéma (bis). Pour les infos consulter le site : www.lepetitcine.be

(*) magnifiées comme rarement à l’écran, elles ont dû enchanter Jérôme Garcin qui, en exergue à son hiératique "Cavalier seul", rappelle cette injonction de Roger Nimier "A cheval...à cheval ! Il n’y a que les routes pour calmer la vie"