Thriller
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13 TZAMETI

Gela Babluani (Géorgie/France 2005 - distributeur : BFD)

Georges Babluani, Aurélien Recoing

93 min.
19 avril 2006
13 TZAMETI

Le cinéma géorgien, jusqu’à présent, était surtout représenté par l’élégiaque Otar Iosseliani et ses mises en scène belles, élégantes et nostalgiques.

Avec Babluani foin de ce regard pictural et poétique, on est dans la réalité crue, âpre et noire d’un monde chaotique, sans repère dans lequel seule prime la loi du plus fort.

Il y a quelque chose des plus sordides Fassbinder dans cette approche sans concession d’un monde foutu, dans lequel les corps (et les âmes) se perdent pour gagner quelques sous.

L’histoire est simple et atroce : Sébastien est ouvrier couvreur. Espérant gagner une coquette somme d’argent il prend la place d’un autre et se retrouve, à son insu, pris dans les rets d’un jeu proche de la roulette russe.

Ce film au contenu noir (filmé sans couleurs - ce qui en accentue jusqu’à l’insupportable la tension et la cruauté) est sans issue. Son intensité dramatique est inversement proportionnelle à la modestie de sa réalisation : peu d’effets de caméra, une ritualisation minimaliste des cadrages, une bande son dont la volontaire restriction donne la chair de poule.

Film déstabilisant, épuré, proche de l’efficacité sèche d’un tir de revolver qui atteint sa cible, « 13 Tzameti » fascine jusqu’au malaise et souligne (*) avec une linéarité que n’aurait pas désavouée Camus, l’absurdité tragique de la vie .

La sobriété angélique de l’acteur principal et son intense présence corporelle - qui rappelle celle de Christian Bale dans « The Machinist » de Brad Anderson - à la fois compensent le jeu lourdement connoté de la plupart des autres acteurs et subliment cette impitoyable descente aux enfers récompensée aux festivals 2005 de Venise et de Sundance.

Difficile de faire face à une telle violence sans se demander pourquoi le cinéma met en scène pareille histoire… jusqu’à ce que l’on se souvienne d’autres horreurs bien réelles celles-là : les massacres de Sabra et Chatila, de Sebrenica, les tortures dans les prisons irakiennes et tant d’autres encore.

Et de se dire alors que la fiction, de toute façon, reste bien en-deçà de la réalité.

(*) à l’égal de la redondance du titre puisque « Tzameti » veut aussi dire 13 en géorgien.

(m.c.a)