Chronique sentimentale
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LES AMBITIEUX

karin Viard, Eric Caravaca, Jacques Weber, Gilles Cohen

Catherine Corsini (France 2006 - distributeur :

90 min.
24 janvier 2007
LES AMBITIEUX

« La comédie humaine » et ses « Illusions perdues » dans le petit monde de l’édition parisienne.

Plus balzacien que stendahlien, quoiqu’il porte le prénom de Julien (« Le rouge et le noir »), le héros des « Ambitieux » est un librairie-écrivain qui monte à Paris pour y soumettre sa première œuvre à Judith Zahn. Il en tombe amoureux.

En prenant prétexte d’une rencontre improbable entre deux tempéraments que tout oppose - il est timide, elle est cassante, il est fragile, elle est rugueuse, il est de la France d’en bas, elle fréquente les « people » de la capitale - la cinéaste dresse un tableau plutôt désenchanté du monde de l’édition tiraillé entre des obsessions contraires : d’une part de grandes et nébuleuses idées vaguement gauchisantes et d’autre part un carriérisme effréné dont les axes, argent et pouvoir, rappellent à quel point le monde de la culture est gangrené par l’affairisme, les combines et les copinages.

Est-ce parce qu’il aborde trop de thèmes à la fois (relation père-fille/ la création littéraire / l’opportunisme mondain / la trahison) que le propos perd vite de sa force concentrante alors que la matière à traiter notamment celle du processus littéraire "version cannibale" est de premier choix.

Jusqu’où a-t-on le droit de s’approprier la vie d’autrui (sans son accord) pour en faire un roman ?
Thème déjà abordé dans le très récent « Je pense à vous » de Pascal Bonitzer .

Karin Viard, plus arrogante et sûre d’elle que « Nouvelle Eve » (*), donne à une profession un contour plus qu’une profondeur, bien éloignée de la maternante image de Françoise Verny vis-à-vis de ses poulains (Alexandre Jardin notamment) et anecdotiquement plus proche de l’héroïne biblique dont elle porte à bon escient le prénom dans son ambition de s’offrir la tête d’un Jean-Baptiste de province.

Jacques Weber incarne, avec son aisance habituelle, un présentateur d’émission culturelle qui confond plateau et arène de mise à mort. Rôle qu’il reprend, sous les traits d’un critique littéraire, dans « Odette Toutlemonde » d’Eric Emmanuel Schmitt. Il sait éreinter avec une délectable et jouissive barbarie l’ami Jacques…

Eric Caravaca, en « Bécassin » qui débarque de sa province est à mille lieues du machiavélisme de Bernard Rapp qui, dans son premier film « Tiré à part » avait su mettre à jour les jeux cruels qui peuvent se tisser entre auteur et éditeur lorsque le talent de l’un lui sert de glaive à se venger de ll’offense de l’autre.

Signalons pour rester synchro avec le monde de la littérature abordé par « Les ambitieux » que vient de sortir aux éditions Actes Sud un « Le poing dans la vitre » un passionnant dictionnaire des romanciers et scénaristes qui ont fait les trente glorieuses (1930-1960) du cinéma français. A consommer sans modération. (m.c.a)

(*) film de 1999 du même tandem Corsini-Viard