Chef d’oeuvre
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A PRAIRIE HOME COMPANION

Robert Altamn (USA 2006 - distributeur : Cineart)

Meryl Streep, Lily Tomlin, Woody Harrelon, Kevin Kline, Tommy Lee Jones

100 min.
6 décembre 2006
A PRAIRIE HOME COMPANION

Merci Monsieur Altman, avant de tirer votre révérence, de nous avoir permis de passer en compagnie d’acteurs épatants un samedi soir à Saint Paul Minnesota. Parce que vous aviez quatre-vingt ans, à la demande des compagnies d’assurances, la production vous avait affecté d’un doublon…. Les Dieux du Midwest et de sa fougueuse prairie ont veillé à ce que cet assistant-rescue soit d’une qualité, qui lorsqu’elle sera lestée de quelques lustres supplémentaires, pourra rejoindre la vôtre : Paul Thomas Anderson

Dans le théâtre Fitzgerald, hommage à cet autre créateur hanté par la nostalgie, a lieu pour la dernière fois la trentenaire émission de radio (*), celle-là même qui donne au film son titre.

Altman, plutôt que de raconter ces dernières heures, choisit de laisser sa caméra capter les visages les émotions ou les fanfaronnades de ceux qui vont donner à ce last show son pesant d’humanité.

Mélange d’ironie, de tristesse et de tendresse « A prairie … » suit l’émission dans son déroulement naturel et bonhomme. Même le contingent le plus radical, la mort d’un artiste dans sa loge, est avalé, assimilé par la nécessité vitale pour le spectacle de continuer.

Et de continuer sur 4 espaces qui se mélangent avec une harmonie qui touche à l’enchantement. Sur scène des sœurs chanteuses d’airs désuets comme leurs illusions, des cow-boys à la voix râpeuse et aux blagues idiotes, des joueurs de banjo, un bruiteur, une débutante aux idées suicidaires.

En coulisses, un privé parodique, une sandwhicheuse amoureuse et une assistante enceinte. Dans la salle un public invisible mais ravi. Dans la loge le promoteur texan qui a racheté le Fitzgerald pour en faire, comme dans « La dernière séance » d’Eddy Mitchell un parking.

Sur ces têtes rassemblées, par hasard ou par nécessité, flotte une présence mystérieuse. Celle d’une belle jeune femme au trench-coat blanc dont la gravité, à laquelle il est impossible d’échapper, rappelle celle de Maria Casares, chargée elle aussi, dans l’ « Orphée » de Cocteau de conduire l’élu du jour vers sa dernière demeure.

Cet ultime spectacle n’est pas un testament mais un cadeau offert par un cinéaste qui sait que les improvisations, les imperfections, les à-peu-près font partie de la vie et des spectacles.

Il est aussi une mise en garde à l’égard d’un monde, celui de la finance, qui menace les endroits où règnent désordre, désinvolture et création non planifiée.

Il est surtout une formidable ode à la générosité, ce don de soi et de son talent afin de permettre à d’autres d’être heureux malgré la mort qui rôde, malgré les années qui passent, malgré les rêves qui s’estompent 

Mission accomplie, Monsieur Altman, vous pouvez rejoindre votre confrère Huston, qui lui aussi, avait su, dans son dernier film « Dubliners », rendre la profondeur des liens qui unissent la vie à la mort. (m.c.a)

(*) cette émission, dans la réalité, continue d’exister et elle est toujours animé par l’humoriste Garrison Keillor, celui-là même qui dans le « New York Times » avait violemment critiqué l’ “American vertigo” de Bernard-Henri Levy.